Le dernier sondage d’opinion Sigma confirme l’audience de Nidaa Tounes (41,3 %) et d’Ennahdha (24 %), suivis du Front populaire (6,2 %). Les autres formations ont moins de 4 %. Les deux autres partis de la Troïka, qui ont constitué une caution pour Ennahdha sont en déclin (At-Takattol du président de l’Assemblée 3, 9% et le CPR du Président provisoire de la République 2,6 %). Peut-on parler d’un changement du paysage politique ? Certes, Nidaa Tounes a enregistré des progrès importants, aux dépens d’Ennahdha.
Mais il faut relativiser les résultats, éviter une lecture littérale et mettre en valeur les tendances générales. En dépit de sa crise intérieure – elle n’intéresserait guère paraît-il l’ensemble des lecteurs – Nidaa Tounes garde sa supériorité depuis la fin de l’année 2012. Par contre, Ennahdha subit les conséquences de la gestion désastreuse des gouvernements qu’elle a présidés. L’échec du mouvement islamiste égyptien, son éloignement du pouvoir et le développement du jihadisme islamique qu’elle n’a pas pu enrayer lui portent préjudice.
Le Front populaire s’érige depuis le début de 2013 comme troisième force. L’assassinat de ces deux dirigeants Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ont été pour lui, et pour l’ensemble des Tunisiens, de grandes épreuves. Certes, l’ancienne topologie des camps droite/gauche a volé en éclats et a laissé la place à un autre schéma : l’obsession de l’identité religieuse chez Ennahdha et la défense de la modernité, au sein du parti Nidaa Tounes. Cependant, un certain esprit de gauche définit le Front populaire et dans une moindre mesure Al Massar, héritier du parti communiste tunisien. Fait certain, le Front populaire résume davantage les revendications de la rue : pouvoir d’achat, emploi, promotion des régions délaissées, lutte contre la corruption. De ce point de vue, il est mieux appréhendé par la classe politique défavorisée, fût-elle consciente de la pérennité de la lutte des classes !
Fait incontestable, attestée par le taux important des abstentions annoncées par le sondage, la majorité silencieuse ne semble pas intéressée par les élections. D’où la nécessité de mobiliser les électeurs. Le rejet populaire des explications de la Constitution par les députés, les nombreux sit-in et les manifestations dans les régions montrent que les partisans de l’abstention considèrent que le débat n’est plus entre les théocrates et les libéraux, ni même entre la gauche et la droite, mais plutôt entre la caste politique et les citoyens.
En ce qui concerne les élections présidentielles, le sondage confirme l’avancée de Béji Caïd Essebsi, président de Nidaa Tounes. Ennahdha n’a pas encore identifié son choix. L’impopularité de ses deux anciens premiers ministres rend sa tâche moins aisée. Elle est tentée de soutenir un candidat d’union. S’oriente-t-elle vers l’équation consensuelle Ennahdha/Nidaa Tounes ? Suggestion surprenante, des acteurs proposent le choix d’un président de consensus, en dehors des partis. Une telle approche met fin aux débats, à la confrontation politique et au libre choix des électeurs. Elle nie les acquis des révolutions qui ont institué l’habilitation citoyenne. Écartons cette approche qui annihile la vie politique.
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