Vincent Cespedes, célèbre essayiste français, qui vient de visiter dernièrement la Tunisie, a été l’invité de l’espace culturel Aykart, lundi le 2 juin, à Tunis, pour une rencontre culturelle portant sur « Vivre ensemble : épanouissement et création ».
Suite à son retour, il a publié un texte sur ce que ressentent les Tunisiens après la révolution sur sa page officielle du réseau social Facebook. À bien examiner le texte, il en ressort que plusieurs questions se posent et restent sans réponse.
Ci-après le texte intégral :
Je quitte la Tunisie plein de questions.
Article à écrire sur la morosité postrévolutionnaire, orchestrée par les « complotistes » de tous bords. Les Tunisiens nient leur propre essor révolutionnaire, et se complaisent dans cette autodépréciation avec des accents paranoïaques où l’on croise Thierry Meyssan comme Tariq Ramadan.
À ma connaissance, c’est la première fois qu’un peuple ayant renversé un pouvoir et intensifié l’avancée démocratique refuse a posteriori d’en être fier, d’en être même l’auteur, et sombre dans un discours fataliste bloquant toute initiative collective et culturelle d’ampleur. Comme si le fatalisme, hérité de l’ère Ben Ali, avait contaminé profondément l’âme tunisienne et que, passée l’euphorie révolutionnaire, il revenait au galop avec les pires arguments.
Et si les Tunisiens avaient justement réalisé quelque chose de si prodigieux, de si imprévisible, que des forces réellement complotistes faisaient tout pour les empêcher de s’approprier leur victoire en réactivant dans leur tête le réflexe de l’immobilisme et de la consternation, de la passivité et du chacun-pour-soi ?
Une chose est sûre : les Tunisiens sont immensément dans la vie, celle des émotions et du corps, de la soif d’apprendre et de partager, et leur simple contact constitue, pour l’Occidental que je suis, une fête ; un bain de jouvence en forme de thérapie.
Pour cela, merci du fond du cœur. J’aimerais prochainement vous tendre un miroir avec l’espoir qu’il vous redonne l’envie d’être les auteurs actifs et héroïques de vos vies.