Trois faits définissent, cette semaine, la nouvelle donne électorale tunisienne et précisent les enjeux de la nouvelle conjoncture : l’accord du dialogue national, séparant les élections législatives et présidentielle et décidant la tenue des législatives avant la présidentielle cette année » (vendredi 13 juin), la réunion du Conseil de la Choura, la haute instance du parti Ennahdha (samedi-dimanche 14-15 juin) et le Conseil national de Nidaa Tounes (dimanche 15 juin). Ce nouveau contexte d’accords confirme le passage de l’affrontement à la recherche des alliances, des partis non crédités d’un bon score par les derniers sondages d’opinion.
Le Conseil national de Nidaa Tounes a mis fin à la guerre de hiérarchisation de ses dirigeants. Il a fait valoir le consensus prêché par son président Béji Caïd Essebsi, dont le charisme assure la grande audience du mouvement et son assise populaire. Acte logique, le Conseil a réaffirmé la candidature de son président à la présidence de la République, lors des prochaines élections. Il a opté pour la présentation de ses propres listes, qui pourraient néanmoins intégrer les partis qui souhaiteraient se présenter sous sa bannière. L’Union pour la Tunisie serait alors mise en œuvre pour définir la coopération électorale des acteurs qui ont le même projet d’une société moderne libre (communiqué de Nidaa Tounes, 15 juin 2014).
Prenons la juste mesure de cette affirmation qui rappelle la bipolarité idéologique et l’hostilité à la théocratie, par fidélité à son « interdit fondateur ». L’alliance électorale avec Ennahdha est exclue. Mais le parti n’insulte pas l’avenir, acceptant les accords postélectoraux qui s’imposeraient, lors de la formation de l’équipe gouvernementale requise, d’après les rapports de forces, au sein du prochain parlement.
Les élections ont été également l’objet de débats de la haute instance du parti Ennahdha. Au cours de cette réunion, la choura affirme la volonté du parti d’ouvrir un dialogue pour identifier un candidat présidentiable de consensus (déclaration d’Ennahdha, 15 juin). Elle poursuit ainsi sa « stratégie d’entente », inaugurée par le dialogue entre les présidents des deux grands partis, à Paris, sur l’initiative du leader d’Ennahdha. Ayant réussi à imposer la tenue de l’élection législative, avant la présidentielle, Ennahdha met fin aux velléités de ses protagonistes, tentés de la « diaboliser », de rappeler son discours théocratique ou de faire valoir les échecs de ses deux gouvernements. Son nouveau discours, depuis le retrait de la Troïka du gouvernement, a pour objet d’accréditer sa normalisation, prenant compte des exigences de la société civile et des risques de rejet qui peuvent s’en suivre. Sans prendre d’engagement ferme, pour l’élection présidentielle, il incite les acteurs politiques, candidats à l’alliance à la ménager. Au besoin, il annonce l’éventualité d’un accord sur les candidats d’Al Jamhouri, d’Ettakatol, du CPR et de tous les candidats à la présidence. Tactique, plutôt que stratégie, Ennahdha pourrait être tentée d’exhiber les candidatures de l’un de ses anciens premiers ministres, fût-il officiellement démissionnaire de sa charge, au sein du comité ! Disons plutôt, que le parti Ennahdha réalise que la présidence a peu de prérogatives, dans le régime quasi parlementaire. Dans ce cas, son retrait de la présidentielle conforte son discours d’une union plus large. Mais peut-il transgresser sa matrice théocratique ? La fracture idéologique semble conditionner les électeurs tunisiens.
Fait d’évidence, la formule de la Troïka semble transgressée. Le CPR et Ettakatol réalisent que le parti Ennahdha esquisse un virage. Leur coopération n’a pas été de tout repos. Le président d’Ettakatol s’est distingué par son indépendance relative. Il aurait ménagé l’opposition libérale, lors de son retrait de l’Assemblée nationale constituante. D’autre part, le président provisoire a multiplié les initiatives personnelles. Déjà en campagne, les deux alliés tentent vainement de reconquérir l’opinion. Ils le font volontiers contre Ennahdha qui a assuré leur promotion. Mais ne sous-estimons point l’attente du changement du citoyen.
Article lié :
Les elections prochaines vont certainement surprendre tous ceux qui ne comprennent pas le jeu democratique et le peuple tunisien. Les tunisiens ont fait un pas geant vers l’imposition d’un systeme poltique digne de leur revolution inedite dans les annales de l’histoire du monde arabe. A mon avis les resultats des elections vont dependre du taux de participations des tunisiens et du travail de terrain accompli par les deux ou trois grandes formations politiques deja etablis, ainsi que le programme electoral offert aux tunisiens par chaque formation.
L’ordre de l’organization des elections n’aurait qu’une faible influence sur le resultat des elections legislatives et presidentielles. Malgres la confiance d’Ennahdha de remporter les elections legislatives, son echec flagrant durant les dernieres trois annees vont peser lourd sur sa prestation electorale prochaine. Quant a Nida Tounes, il est bien positionne pour gagner les elections presidentielles vu le charisme et l’experience de son leader BKE. Enfin les elections legislatives vont surement etre bien disputees et difficiles a predire, mais encore une fois Nida Tounes va-t-etre la formation avec le plus de chances pour devancer les autres partis.
J’en conviens absolument mais que faire de la moitié des électeurs tunisiens qui ne votent pas pour une raison ou pour une autre?