Le Laboratoire Philab des cultures, technologies et approches philosophiques organise un colloque international, les 19, 20 et 21 juin 2014 à la Bibliothèque nationale de Tunis, sur le thème « Religion et Culture« .
En effet, depuis la Révolution du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, des pressions et revendications d’ordre religieux se font sentir, accordant de la sorte à l’Islam une primauté dans les débats politiques et sociaux. Si au cours de cette Révolution aucun slogan religieux n’a été brandi, les défenseurs de la Chariaa ont, peu à peu, pris le devant de la scène. Simultanément, les agressions contre les artistes et les journalistes n’ont jamais été aussi virulentes. Souvent, les défenseurs de la sécularisation et de la modernité sont présentés comme des « athées occidentalisés » (et donc dénués de patriotisme), « manquant de morale » et parfois même ils sont considérés par les plus radicaux comme des personnes « dangereuses », pouvant nuire à l’harmonie de la société d’essence islamique.
Les prêcheurs venus des pays du Golfe attirent les masses en propageant un discours qui fait de l’Occident et de ses valeurs un danger imminent pour l’identité musulmane. L’élite intellectuelle et artistique est prise pour cible par un discours populiste qui renforce l’inculture. La religion musulmane qui, durant des siècles, était en connexion étroite avec la culture, semble aujourd’hui faire de la culture un problème. Tout se passe comme si la culture ne pouvait avoir un sens qu’à la condition d’obéir aux codes religieux, et que la pureté de la foi ne saurait être sauvée que par son opposition à la raison et à ses œuvres « païennes ». C’est alors « la sainte ignorance » (Roy, 2008) qui s’établit comme un modèle de vie corroborée par une « ignorance structurelle et institutionnalisée » (Arkoun, La question éthique et juridique dans la pensée islamique, 2010,139) qui fait de l’école un lieu d’inculture et de désaveu des acquis du progrès et de l’esprit critique.
Que peut dire la philosophie dans une telle situation ? Son rôle est de mettre en perspective et de dépasser l’opposition simpliste entre savoir et croyance, en s’efforçant de repenser les rapports entre la religion et la religiosité, la religion et la laïcité, la religion et la morale, la foi religieuse et la culture civique. Plusieurs questions se posent alors : croire implique-t-il de renoncer à l’exercice de la raison ? La religion aurait-elle vraiment avantage à museler tout esprit critique ? L’autorité des commandements religieux doit-elle primer sur la loi civile ? Une morale sans référence théologique est-elle impossible ? L’enjeu du débat se veut à la fois épistémologique (il concerne le statut des « vérités », qu’elles soient celles de la science ou de la Révélation), politique, moral, et religieux. Il nécessite de s’interroger sur la manière dont ces différentes dimensions sont intriquées.