Dans le cadre d’un projet de recouvrement des biens mal acquis à l’étranger, élaboré conjointement par l’organisation « I Watch » et « Transparency International », une conférence internationale sur «la récupération des avoirs mal acquis à l’étranger» a été tenue ce matin, 26 juin 2014, en présence de Mme Kinda Hitr, coordinatrice de la branche Transparency International – Région Mena, MM Youssef Belgacem, un des fondateurs de l’organisation « I Watch » et coordinateur du projet, Rubin Carranza, membre du Centre International pour la Justice Transitionnelle et expert en récupération de fonds mal acquis – Philippines…
Cette rencontre a été l’occasion de formuler des recommandations et de tirer les leçons des expériences étrangères, notamment des Philippines, pour une activation supplémentaire des efforts de l’Etat et de la société civile afin de récupérer les avoirs mal acquis placés à l’étranger.
Le rôle de la société civile en point de mire
La restitution des avoirs détournés constitue une priorité dans les politiques dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena), notamment la Tunisie, l’Egypte, la Libye et le Yémen.
A ce titre, «le projet de recouvrement des biens mal acquis à l’étranger, élaboré par l’organisation I Watch, sera mis en œuvre dans ces pays avec l’appui des sections nationales affiliées à Transparency International dans le monde entier», a annoncé Youssef Belgacem.
Et d’ajouter qu’il s’agit de renforcer la société civile dans la région Mena et de l’aider à coopérer avec les gouvernements pour recouvrer les biens spoliés, ainsi qu’à collaborer avec la société civile nationale et internationale dans les pays qui hébergent ces biens mal acquis et de suivre le statut des demandes de recouvrement.
Selon l’intervenant, ce projet vise, également, à combattre l’impunité dont jouissent les fonctionnaires et aux responsables politiques qui se rendent coupables d’implication dans les détournements de deniers publics placés à l’étranger .
Dans le même ordre d’idées, Kinda Hitr a fait savoir que Transparency International ne cesse d’enraciner le rôle important de la société civile dans la restitution des avoirs détournés. D’ailleurs «le recouvrement des biens mal acquis à l’étranger est une mission très compliquée et qui demande beaucoup de temps. Pour cette raison, le gouvernement, à lui seul, n’est pas capable d’accomplir cette mission. Il faut, donc, faire participer la société civile et les journalistes d’investigation pour lutter contre le phénomène de la corruption», a indiqué Mme. Hitr.
Pour ce faire, Transparency International déploie, avec ses 100 branches disséminées dans le monde entier, des efforts en coopération avec l’organisation I Watch et les pays qui gèlent ces biens mal acquis, tels que la Grande-Bretagne, la France et la Suisse.
Parallèlement, il faut, selon ses dires, une volonté politique et une vision claire pour récupérer ces biens.
Les Philippines, l’exemple à suivre…
Mais si on veut faire réussir la mission de récupération de fonds mal acquis, le gouvernement et la société civile doivent tirer les leçons des expériences étrangères qui ont réussi une mission pareille. Prenons l’exemple des Philippines qui a réussi à récupérer 680 millions de dollars des fonds de la famille de Ferdinand Marcos transférés en contrebande dans les banques en Suisse, aux États-Unis et dans d’autres pays étrangers.
A ce sujet, Rubin Carranza qui a été, entre 2001 et 2004, le commissaire en charge du litige et d’enquête de la Commission philippine, a exposé l’expérience des Philippines et les leçons apprises de cette expérience : « Durant six ans, et malgré le handicap législatif, l’Etat philippin a signé, juste après un mois de la fuite de la famille Marcos, des accords de principe avec la Suisse et les États-Unis pour le gel des avoirs ».
Les Philippines ont également conclu des partenariats avec la France, l’Espagne, le Singapore et le Hong Kong pour faciliter la mission de récupération des biens. En outre, ces efforts ont été renforcés par le rôle important de la commission spécialisée dans le recouvrement des biens mal acquis et de celle spécialisée dans la protection des droits de l’Homme. Ces commissions ont réussi à récupérer 680 millions de dollars et à dédommager les victimes.
En tirant les leçons de cette expérience, M. Carranza a appelé la commission de la Dignité en Tunisie à jouer le même rôle des deux commissions philippines. Il a recommandé, dans ce sens, de prendre en compte les accords signés avec l’ONU pour lutter contre la corruption et d’élaborer une loi décisive pour la récupération des avoirs, le procès des accusés et la réforme de la loi de la justice transitionnelle.