Décidément, le mois de mai 2014 est à marquer d’une pierre noire. Tous les indicateurs économiques ou presque sont au rouge. L’orange qui dominait autrefois est passé de saison. Pour une fois, la BCT ne fait pas dans la dentelle et ne cherche même pas à relativiser données et chiffres…
La production fléchit (-0,8% en mars en glissement annuel). Le tourisme ne retrouve même pas ses couleurs – pourtant assez pâles, d’il y a un an. Mai passe ainsi à la trappe et ce n’est pas la Coupe du monde de football au Brésil en juin-juillet, relayée par le mois de Ramadan qui vont inverser la tendance. Le commerce extérieur accentue son déséquilibre. Le déficit courant, qui était de 3,9% pour les 5 premiers mois 2013, atteint, pour la même période 2014, 4,6% du PIB.
Du jamais vu. A ce rythme là, on ne serait pas loin des 10% à la fin de l’année, alors même que le dinar poursuit sa glissade. Il s’est déprécié au cours du mois de juin de respectivement 2,4% et de 1,9 % par rapport à l’Euro et au dollar. Fait surprenant et tout aussi paradoxal, la situation est si détériorée que même les dévaluations compétitives sont inopérantes et ne parviennent plus à endiguer le déséquilibre du déficit commercial. Bien évidemment, les conséquences ne se font pas attendre et sont si brutales sur nos réserves de changes qui tombent sous la barre des 100 jours. Elles représentent l’équivalent de 94 jours d’importation. Elles seraient à un niveau beaucoup plus faible si elles n’étaient confortées par de nouveaux prêts. On chercherait en vain le moindre rayon de lumière qui vient éclairer le ciel brumeux du pays. Non, à l’évidence, les vents de la reprise ne se sont pas encore levés. Et ce n’est pas le retour du spectre d’une inflation rapide qui va calmer les craintes de l’Institut d’émission car les pressions inflationnistes sont de retour.
On y lit en effet, dans le communiqué de la BCT : « L’indice général des prix à la consommation a poursuivi sa hausse en mai 2014 pour le deuxième mois consécutif pour atteindre 5,4 % en glissement annuel contre 5,2% le mois précédent ». Il ne semble pas qu’il y ait la moindre accalmie au mois de juin. On craint le pire pour le mois le juillet qui coïncide cette année avec le mois de Ramadan réputé pour son pic de consommation au moment même où l’on déplore une plongée de la productivité accompagnée d’une chute de la production. Autant dire qu’on n’a pas fini d’en mesurer les dégâts. Surtout de l’inflation qui porte profondément atteinte à la cohésion sociale. De la même manière que le chômage –qui n’est pas du reste sans rapport avec la hausse généralisée des prix – l’inflation accentue les écarts sociaux et amplifie les inégalités. Elle frappe durement les chômeurs, les retraités et fabrique sur une grande échelle exclusion et marginalisation.
On comprend que la BCT s’en préoccupe et organise la parade. Elle a l’obligation, en effet, de préserver la stabilité des prix et de la monnaie. Elle vient d’élever, à cet effet, de 25 points de base son taux directeur pour le porter à 4,75%. Moins que le taux d’inflation effectif, ce qui signifie un taux d’intérêt réel négatif à l’avantage des emprunteurs qui remboursent en monnaie de singe. Encore faut-il qu’ils parviennent à emprunter au regard des restrictions imposées par des banques en mal de liquidités.
Il n’empêche. La hausse du taux d’intérêt a peu de chances de tempérer la hausse des prix qui a d’autres origines que monétaires. L’Etat vient d’éponger, au titre de l’Emprunt national, 955 millions de dinars.
Le communiqué de la BCT fait d’ailleurs mention d’autres causes inflationnistes, telles que la hausse des coûts en raison des charges salariales sans réels gains de productivité, ou de l’inflation importée en raison de la dépréciation du dinar.
Pour toutes ces raisons, il est peu probable de voir s’assagir les prix, fût-ce en relevant le taux directeur. La raison principale en est le dysfonctionnement des marchés sur lesquels les pouvoirs publics n’ont plus de prise. Il n’y a que l’autorité de l’Etat et sa capacité de régulation pour terrasser l’inflation, sans avoir à fixer d’une manière administrative les prix, ce qui serait la pire des solutions.
Sinon la hausse du taux d’intérêt, loin de briser les ressorts de l’inflation ni de favoriser l’épargne nationale – au plus bas – va renchérir le poids de la dette des entreprises, déjà en mal de trésorerie, décourager et freiner un peu plus les investissements aggravant ainsi le chômage qui n’est pas loin de son point d’incandescence.
Finalement on a peine à savoir à qui profite la hausse du taux d’intérêt.
Ne cherchez pas à savoir, puisqu’ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire pour redresser l’économie du pays…