« La mémoire noire : témoignage contre l’oubli », c’est avec ce documentaire de 50 minutes, réalisé par Hichem Ben Ammar, en 2013, que le nouveau ciné-club Le cercle d’Alhambra a commencé sa première projection-débat le 27 juin à la salle Théâtre d’Alhambra. Le nouveau ciné-club est né suite à une coopération entre la fédération tunisienne des ciné-clubs et le Théâtre d’Alhambra.
Le temps est capable de guérir les blessures même celles dites indélébiles. Ce n’est pas le cas pourtant des quatre témoignages dans le film, victimes d’une torture méthodique et atroce exercée par la machine persécutrice du régime de Bourguiba.
Qu’on en juge : Hachemi Troudi, journaliste et auteur d’un ouvrage sur le mouvement « Perspectives », emprisonné de 1968 à 1970 et de 1973 à 1979 ; Ezzedine Hazgui, éditeur et éternel opposant (il fut le premier candidat à se présenter contre Ben Ali à la présidentielle de 1989), emprisonné, lui aussi, de 1968 à 1970 et de 1973 à 1979 ; Fethi Ben Haj Yahia, un des leaders de la seconde génération du mouvement, emprisonné de 1975 à 1980, et auteur du livre-témoignage « La gamelle et le couffin » ; et Simone Lellouche, veuve d’Ahmed Othmani, qui fut le leader de « Perspectives » dès 1964.
Bien qu’il s’agisse de relater des atrocités subies par les quatre personnges en question, le réalisateur a su donner une touche poétique à son œuvre par le biais de la lumière, les plans choisis et les focus faits sur les traits des visages des personnages du film. Le documentaire est avant tout un document historique mais le réalisateur a su en faire une œuvre artistique, frôlant la poésie sans pour autant tomber dans un réalisme cru. Nous pourrions parler d’une rencontre heureuse entre histoire et poésie.
C’est un film contestataire contre la torture voire un cri de rage contre une époque noire du temps du « combattant suprême » et du « sauveur de la nation ». Ce qui pourrait nous interpeller dans le film, c’est qu’il s’attaque en quelque sorte à un certain nombre de clichés souvent ressassés pour glorifier Habib Bourguiba. Devant la cour de sûreté de l’Etat devant laquelle ces quatre jeunes ont comparu, relate Ezzedine Hazgui dans le film tout en frémissant de rage et d’enthousiasme : « Notre problème n’était pas idéologique avec Bourguiba. Nous n’étions pas contre son modèle de société. On lui reprochait uniquement son despotisme, l’absence de pluralisme politique et son paternalisme excessif ».
Ses propos alternent avec ceux de Fethi Ben Haj Yahia qui rappelle que « la tâche de la gauche tunisienne n’était pas aisée à l’époque. Nous sommes venus à une époque où Bourguiba jouissait de l’adulation de tout le peuple tunisien… ».
Quant au pardon, la tâche ne semble pas aisée pour nos militants : « Nous sommes prêts à pardonner à condition que nos tortionnaires avouent publiquement les injustices commises ».
J’ai vécu cette douloureuse page de notre histoire, alors
étudiant dans la nouvelle Fac des Sciences à la rue Souk Ahras de Tunis. J’ai
entendu les râles de douleur d’opposants politiques dans les locaux actuels du
MI. J’en frémis encore aujourd’hui.
Bourguiba a fait bombarder ma chère ville de Bizerte avec
son lot de morts et de blessés. Pourtant la France a décidé de se retirer militairement
de l’Afrique du Nord après la signature des accords avec le FLN. Ce fut une
guerre inutile pour mon Pays mais utile pour lui puisqu’il a pu assassiner tranquillement
Salah Ben Youssef, Paix en son âme
L’épisode Bourguiba, une page de notre histoire sans plus. Certains
opportunistes destouriens qui ont profité de ses largesses veulent maintenant le
ressusciter ; ils oublient qu’il a détruit la vie de plusieurs citoyens parmi
lesquels beaucoup de jeunes cadres de l’époque qui ont cru en l’indépendance
réelle de notre Pays. Bourguiba n’a dû son règne interminable qu’à l’appui de
certains pays européens, dont le crédo est l’indépendance dans l’INTERDEPENDANCE.
Je comprends votre douleur, mais je me demande s’il faille ouvrir les dossiers du passé au risque de détruire la cohésion nationale, d’autant plus que des voix s’élèvent pour dénigrer l’héritage bourguibien dans son ensemble.Laissons aux historiens le soin de dire la vérité sur la période trouble de l’après indépendance.Nous avons d’autres chats à fouetter…