Les gouvernements changent mais l’iniquité devant la pression fiscale continue. Le projet de la loi de finances complémentaire même s’il apporte quelques ouvertures sur le traitement du régime forfaitaire, la levée du secret bancaire en matière fiscale et une approche timide sur le comportement vis-à-vis du secteur informel, continue néanmoins à pénaliser les plus transparents, les salariés dans les tranches qui contribuent le plus. Jusqu’à six jours de retenue forcée sur les revenus au-delà de 20 mille dinars par an, et ce, après les mesures déjà contraignantes de 2013 et l’effort demandé pour l’emprunt national. Ainsi, un ménage de deux cadres supérieurs avec des enfants à charge scolarisés le plus souvent au secondaire et au supérieur, des traites pour endettement d’acquisition de voitures et de logis, des factures d’électricité, d’eau, de gaz déjà discriminatoires avec des paliers parfois surprenants, devra « donner » jusqu’à douze jours de revenus annuels. Ce montant s’ajoute déjà à la tranche de pression de 35% du revenu auquel ils appartiennent. La nouvelle pression fiscale introduite par le projet de loi de finances complémentaire mettra les salariés à un niveau de contribution sur le revenu supérieur à celui des banques, des assurances et des sociétés de télécommunication ( !). Franchement, cela devient insoutenable, d’autant plus qu’en face le gouvernement ne fait rien pour rationaliser ses dépenses faramineuses servies notamment à des effectifs superflus, à des postes de conseil, de chargés de mission, ou des dépenses de fonctionnement qui ne cessent de progresser. Cinq pour cent d’économie sur les factures d’eau, d’électricité et de carburant et autres billets de transport des administrations et des entreprises publiques auraient eu un meilleur effet que ces journées de « dons » de cette classe moyenne de plus en plus appauvrie, elle qui a pourtant continué à tirer le semblant de croissance vers l’avant et qui profite, en contrepartie, le moins de toutes les dépenses publiques. En face, tous ceux qui ne relèvent pas du secteur organisé continuent leur enrichissement ahurissant et leur insolent pied de nez à l’administration fiscale.
Le problème soulevé par cette nouvelle pression à moins trait à la participation à l’effort national de plus « ressourcer » l’Etat qu’au peu de cas dont fait preuve l’Etat pour asseoir une équité de tous devant la fiscalité, en s’arrogeant le droit de mener un train de vie au-delà de toute austérité, pourtant imposée à une partie des salariés. Dans un tel contexte et face à des moteurs de croissance en panne et à une frénésie d’augmentations salariales dans le secteur privé et public par la faute de revendications le plus souvent en totale dichotomie avec le bons sens et surtout la productivité, que fera-t-on l’exercice prochain ? Y ajoutera-t-on de nouvelles « journées dons » et des couches supplémentaires de pression? Ou bien c’est là une question à laquelle devra répondre le prochain gouvernement ?
Aider ce pays qui nous a enfantés, nous a créés socialement, économiquement et culturellement, est un devoir que chaque Tunisien s’impose à lui-même par delà même ses propres enfants. Mais c’est à l’Etat que d’organiser équitablement la contribution de tous les Tunisiens. En surchargeant une partie et en oubliant une autre, cela revient à instaurer l’iniquité, source de toutes les discordes.