Le déficit commercial va en s’amplifiant sans que des mesures salutaires ne soient prises à temps. Chaque mois, le déficit augmente de 1,121 milliard de dinars ce qui donnera, si les flux restent inchangés, un gap négatif de l’ordre de 13 milliards de dinars en fin d’exercice, portant le taux de couverture à un peu plus de 63 %, contre 74% une année à peine avant. Du jamais vu en termes de chiffres de commerce extérieur avec, comme résultat immédiat, un impact direct sur la valeur du dinar qui continuera irrémédiablement sa baisse et sur les réserves de change qui continueront, pour leur part, de s’amenuiser.
Cela induira, également, et sans l’hombre d’un doute, plus de pressions des bailleurs de fonds, à commencer par le FMI, sur le programme des réformes et notamment sur celle de la caisse de compensation avec, comme le précise la lettre d’intention conjointement signée par le Gouverneur de la BCT et le ministre des Finances, la mise en place du programme destiné aux familles les plus vulnérables et ses effets collatéraux (!) la lente et structurée mise au pilori de la classe moyenne, coupable de n’être ni pauvre ni riche.
La détérioration de la balance commerciale même si elle dépend largement des importations de fuel et de céréales, ne se résume pas seulement à cela puisque les exportations, autre composante de la balance, sont en rade, piégées par la situation du Groupe chimique dont les ventes ont, encore une fois, chuté (-21% par rapport à la période déjà noire de 2013) et par une production nationale pétrolière qui chute, chaque année, de 8% en l’absence de nouveaux puits ouverts ou par la faute d’une prospection atone. Celle-ci, comme si tout cela ne suffisait pas, vient d’être mise sous la tutelle de l’ANC qui vit, imperturbable, sa révolution permanente en dehors des contraintes économiques réelles du pays et en s’aliénant les grands groupes pétroliers mondiaux.
Certes l’embellie sur les produits manufacturiers, même si elle profite statistiquement d’un effet base, est là pour mettre un peu de baume au cœur des Tunisiens comme devra en mettre, également, la production céréalière de 2014 et les prévisions de production des dattes et surtout d’huile d’olive pour 2013-2014. Néanmoins, le double comportement des produits phosphatiers, en déperdition, et la production pétrolière, en baisse, mettront en difficulté, pour quelque temps encore, la balance commerciale en maintenant sa régression vers des niveaux insupportables. Les divers communiqués de la BCT, faisant suite aux réunions de son conseil d’administration, continuent de mettre en exergue ce dangereux trend aux conséquences néfastes sur l’économie et la croissance économique du pays qui avoisinerait, selon les dernières prévisions, un petit 2,8% avec son lot de nouveaux laissés-pour-compte.
Dans ce cadre, même si le déficit de la balance commerciale s’explique, comme déjà souligné, par l’accroissement important et tendanciellement assez pesant des importations, il est clair que face au dilemme posé par la production du Groupe chimique, bloquée régulièrement par des contestations à ne pas finir, les lendemains des Tunisiens resteront en mode de désenchantement. Est-ce que le gouvernement continuera de traiter ce problème comme celui d’une liberté d’expression longtemps spoliée qu’il y a lieu, dorénavant, de respecter contre vents et marées ou comme un problème vital pour près de onze millions de Tunisiens qui continuent de vivre grâce à l’endettement extérieur et intérieur? Cela n’est pas sans rappeler la fameuse réplique de feu le Président algérien Houari Boumediene à qui on reprochait un manque de liberté et un manque de sens islamiste : « Nous ne voulons pas aller au paradis (céleste ou démocratique) le ventre creux ». Pour notre part, nous disons que nous ne voulons pas d’une liberté qui affame un pays et le rend dépendant de l’aumône.
De la réponse à la précédente question dépendra toute la stratégie de relance des exportations qui, il faut le rappeler, a constitué le socle argumentaire des négociations avec le FMI portant sur la relance de la croissance en Tunisie, et ce, dès 2012 et vivement soulignée dans les diverses communications avec ce bailleur de fonds de dernier ressort. Au train où vont les choses, que pourra avancer le gouvernement à ses bailleurs sans que cela ne puisse être interprété comme un déphasage par rapport au double objectif de relance de l’économie et de meilleure maîtrise des charges et des dépenses publiques ? Or sur les deux points, la copie rendue par tous les gouvernements post-quatorze janvier est des plus faibles. Pour information et pour l’Histoire également, le concours du FMI de 1,7 milliards de dollars US accordé après moult négociations à la Tunisie, est égal au manque à gagner sur trois ans du Groupe chimique. A méditer… si le temps est encore à la méditation.