Nous publions aujourd’hui la deuxième partie du billet économique du mois du juillet 2014, publié par le Département Recherche de l’Intermédiaire en Bourse MAC SA, qui analyse les marges de manœuvre de la BCT face à la dépréciation du dinar.
Le « choc de la Révolution » et son cortège de manque de visibilité institutionnelle a fortement pénalisé la monnaie tunisienne. Dégradation du climat des affaires, besoins croissants en devises étrangères enregistrés chez certaines entreprises publiques, chute des recettes touristiques et des IDE, et blocage de l’appareil productif dans certains secteurs stratégiques ont accentué la dégringolade du dinar.
Ces éléments conjoncturels ne sont que la face apparente de l’iceberg. Les raisons profondes de la faiblesse de la monnaie nationale se logent du côté des fondamentaux. Et ce ne sont pas les mesures cosmétiques qui pourraient épargner de nouvelles secousses pour la monnaie tunisienne.
Ni une dévaluation compétitive, ni le recours à l’endettement ne sont des solutions viables pour corriger la fragilité structurelle. Certes, les facilités d’accès au capital étranger offertes aujourd’hui restent déterminantes pour amortir des chocs conjoncturels, mais inefficaces pour inverser une lourde tendance baissière sur le dinar.
Face à l’essoufflement de la compétitivité de l’économie tunisienne, un travail en profondeur doit être engagé dès aujourd’hui, pour pouvoir espérer récolter ses dividendes à moyen et long terme.
La Tunisie est forcée de grignoter davantage dans la chaîne de valeur de l’industrie mondiale. Avec des exportations à faible valeur ajoutée, elle ne pourra jamais espérer échapper au déficit structurel de sa balance courante, ni stopper la dépréciation de sa monnaie.
Un contexte très embarrassant pour la BCT, au moins pour trois raisons :
Premièrement, la réponse structurelle n’est pas à l’ordre du jour. Une réflexion sérieuse sur le nouveau modèle de développement n’a pas encore pris la place qu’elle mérite. La succession de gouvernements provisoires et l’approche des élections présidentielles et législatives déclassent ce type de réflexion. De ce fait, la structure de la balance courante restera inchangée et le glissement du dinar aura encore de « beaux jours » devant lui.
Deuxièmement, la pression baissière sur le dinar alimente de plus en plus les tensions inflationnistes, via le renchérissement des produits importés, mettant la BCT dans une situation inconfortable pour contenir la flambée des prix (phénomène de Pass-through).
Enfin, les revendications démesurées de hausse de salaires dans un contexte à l’agonie pour la productivité compliquent l’équation inflationniste pour la BCT. Une hausse de 13% de la masse salariale programmée dans la loi de finances complémentaire de 2014 ne peut que cribler la balance commerciale d’importations de produits de seconde nécessité, accélérant le tarissement des réserves de change et renforçant, du coup, le glissement du dinar.
Le marché de change tunisien restera sous tension jusqu’aux élections. Et les pressions baissières sur le dinar demeureront prépondérantes jusqu’à l’éclaircissement de l’horizon électoral.
N’oublions pas qu’il est peu probable que les résultats des élections arrivent à inverser le trend baissier observé sur le dinar. Car les scénarios les plus plausibles plaident pour une coalition au pouvoir en 2015. Ce qui impose la recherche d’un compromis entre deux ou plusieurs formations politiques pour gouverner le pays. Avec des coalitions fragiles, les compromis ne peuvent être que boiteux, l’attentisme primera de nouveau sur l’action audacieuse et le dinar restera encore sous pression.
Par contre, l’élection confortable d’un parti qui disposerait d’une très large majorité, ou d’une coalition très solide, ne semble pas être à l’ordre du jour. Un scénario peu probable en Tunisie, mais qui est très proche du cas indien.
En effet, l’arrivée de Mr Modi en Inde nous offre un très bon exemple. Son action courageuse de réduire drastiquement le déficit courant à travers des mesures de restriction de certaines importations, associée à d’autres actions, a donné des couleurs à la monnaie indienne qui a gagné 15% sur son plus bas du mois d’août 2013. De ce fait, l’activation des clauses de sauvegarde s’impose comme une solution de court terme pour stopper l’hémorragie des devises qui frappe l’économie tunisienne.
En somme, la fin de la période de transition et la formation d’un gouvernement issu des urnes est loin d’être une panacée. Le dinar restera sous pression tant que la dynamique de réforme n’est pas engagée sérieusement pour assainir les finances publiques et rendre l’économie tunisienne plus attractive. Et tant que la fièvre revendicative n’intègre pas la variable « productivité » dans son radar.
Bref, les raisons profondes du glissement du dinar sont à rechercher davantage du côté de la Kasbah (déficit d’audace dans l’action des différents gouvernements de transition) et de la Place Mohamed Ali (majorations salariales démesurées), plutôt que du côté de la Dame de la rue Hédi Nouira.