Safi Saïd : voilà un homme qui est devenu assez célèbre après la Révolution, du moins auprès du grand public. Journaliste, écrivain, analyste politique,… il a souvent défrayé la chronique par sa personnalité fougueuse et ses déclarations incendiaires! Ses analyses et ses réflexions sont remarquables et apportent parfois une certaine « valeur ajoutée » aux débats publics et politiques qui agitent notre société. Peu à peu, depuis maintenant trois ans, il est devenu « un leader d’opinion« .Etant fréquemment invité sur les plateaux télé et autres radios lui ont permis en effet de gagner, conquérir, un capital sympathie auprès de nombreux auditeurs et, surtout, de se forger une certaine image, réputation, notoriété,…
L’invitation à la chaîne de Nessma TV de Nabil Karoui, dont le slogan « Télé du Grand Maghreb« , samedi dernier pour y être interviewé par Myriam Belkadi juste après Béji Caïd Essebssi n’est pas due au hasard : simplement pour y expliquer et définir certains aspects du terrorisme qui frappe la Tunisie ou encore minimiser de son importance et rassurer ainsi les Tunisiens : « Le terrorisme en Tunisie, soutient-il, est encore à l’état embryonnaire« . « La vie est encore plus forte que la mort ! Pour défier, affronter, braver le terrorisme, il faudrait organiser, sans tarder, des élections transparentes« , a-t-il averti avant d’ajouter « le peuple doit se mobiliser fortement pour que les prochaines élections réussissent. L’armée doit en assurer l’organisation« . Mais là n’est pas le plus important !
Tunisie – Algérie : deux pays, un seul destin !
Safi Saïd était venu pour défendre l’Algérie contre les avidités et appétences de certaines puissances internationales! Et quelle défense ? Arguments et exemples à l’appui, il a déroulé sans ménagement les intérêts gaziers, géoéconomiques et géostratégiques du Qatar dans notre région ! Il a dévoilé, fustigé, dans un réquisitoire sans ménagement, sans concession, l’influence néfaste qu’exerce cet Emirat en Tunisie et le rôle qu’il veut insinuer –souffler- à notre exécutif ! Mais aussi, il a dénoncé, avec beaucoup d’ exaltation le comportement mouchard de certaines ambassades occidentales et l’absence de pouvoir fort en Tunisie! Il s’est interrogé, avec insistance, sur les liens controversés entre les Etats-Unis et certains groupuscules djihadistes (Daach, Jabhet Nosra,…) qui opèrent aujourd’hui dans beaucoup de pays arabes : « Les terroristes n’ont-ils pas des liens avec les Américains ? Ne travaillent-ils pas de concert avec eux ? D’où financent-ils leurs actions ? Les terroristes ne bénéficient-ils pas d’une puissante logistique étrangère », s’insurge-t-il !
Safi Saïd est-il dans son rôle de citoyen ?
Oui ! Tout citoyen, dans un régime démocratique, doit s’impliquer, dans la mesure du possible, dans « la vie de sa cité » ; c’est une forme de démocratie participative. Défendre ainsi l’Algérie est une preuve d’arabisme et d’amour de soi que je salue chaleureusement. Tunisie-Algérie : deux pays, un seul peuple ! Moi-même dans de très nombreuses contributions sur les colonnes de La Presse j’avais déjà défendu avec acharnement les intérêts de l’Algérie et fait l’éloge de ce grand pays frère que je considère comme ma seconde patrie.
Safi Saïd est aussi dans son rôle de citoyen quand il fustige le comportement schizophrène de certains hommes et femmes politiques tunisiens qui d’un côté, dénoncent le sionisme, l’islamophobie et l’arabophobie de certains pays occidentaux et, de l’autre, ils courent à leur ambassade dès qu’ils sont invités pour de simples festivités !
Est-il dans son rôle de journaliste et d’analyste politique ?
En tant que journaliste, même engagé, Safi n’aurait-il pas peut-être dû modérer davantage certains de ses propos ? Son exaltation excessive ne pourrait-elle pas jeter un certain discrédit en quelque sorte sur ses intentions ? Son engagement sans faille pour telle ou telle cause est-il compatible avec le métier de journaliste ? Une telle ferveur, fort appréciable d’ailleurs, ne fait pas de lui plus un « leader d’opinion » charismatique que de journaliste censé transmettre objectivement l’information ? Un journaliste n’est-il pas plutôt et simplement une courroie de transmission entre l’événement, l’information, et le lecteur ? Etc.
Est-il un homme politique ?
Selon Max Weber « un homme politique est celui qui porte un projet politique, social et culturel et s’estime tenu à l’obligation de résultat « . Quel est alors son projet ? D’après ses déclarations sur Nessma – même d’après son parcours personnel -, l’armée devrait être impliquée davantage dans la vie socioéconomique et même politique, « l’armée est la colonne vertébrale de toute société, elle en est le ciment et la garante de sa sécurité et de sa stabilité », a-t-il lancé à Myriam Belkadi.
Une telle approche de la politique et du pouvoir renvoie à la conception de Thomas Hobbes sur l’absolutisme du pouvoir : « l’homme est un loup pour l’homme« . Pour ce philosophe et mathématicien, l’état de nature est un état d’insécurité perpétuelle dont les hommes cherchent à échapper. Pour ce faire, ils sont amenés à conclure un pacte par lequel chacun doit remettre à une assemblée le pouvoir qu’il a sur lui-même. Cette assemblée acquiert ainsi la puissance souveraine, un pouvoir absolu dont elle doit user pour la protection des sujets. Pour Safi Saïd cette assemblée serait-elle l’armée ? Au diable donc les aspirations démocratiques des Tunisiens ? Jeter aux oubliettes les idéaux de notre Révolution ?
Récemment, il a déclaré lors d’une interview accordée à l’hebdomadaire « Tunis-Hebdo » (du 7 au 13 juillet) qu’il compte publier sous peu un livre intitulé « L’équation tunisienne : comment bâtir l’avenir ? ». « C’est une sorte de programme souverain, qui adopte une feuille de route visant à bâtir un nouvel Etat. C’est donc un programme à long terme qui s’étend, comme son nom l’indique, entre 25 et 30 ans. Il aspire à changer tout le modèle actuel« , explique-t-il.
Le président Lula Da Silva avait fait du Brésil une puissance économique incontournable en moins de 8 ans !