Dans un communiqué de la Maison-Blanche publié dans la soirée de dimanche 27 juillet, le président des Etats-Unis Barack Obama a indiqué qu’un cessez-le-feu immédiat et sans conditions à Gaza était un « impératif stratégique ». C’est du moins ce qu’il aurait affirmé au Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahu, lors d’une conversation téléphonique. En attendant que cette recommandation se traduise en acte, Gaza demeure le théâtre d’une tragédie humaine, celle d’une prison à ciel ouvert subissant les attaques régulières de l’armée israélienne lancées officiellement pour faire cesser les tirs de roquettes du Hamas… En ce jour de l’Aïd, le décompte macabre des morts continue à Gaza. Le bilan est à l’image de la dissymétrie de ce conflit : alors qu’Israël dénombre plus que 40 soldats et 2 civils tués, côté Palestiniens, le seuil des 1000 morts a été franchi, avec aussi près de 6000 blessés et 160 000 réfugiés dans les bâtiments de l’Agence pour l’aide aux réfugiés de Palestine (UNRWA). Une écrasante majorité de civils, dont près de 200 enfants, font partie des victimes. Des corps sont encore extraits des décombres dans plusieurs quartiers sévèrement touchés par les bombardements israéliens. Le conflit de Gaza s’étend à la Cisjordanie occupée, où huit Palestiniens ont été tués vendredi dans des troubles survenus près de Naplouse et de Hébron. Jeudi soir, 10.000 manifestants avaient marché près de Ramallah, capitale de l’Autorité palestinienne, en solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza.
Censée neutraliser les tunnels et les roquettes du Hamas, l’opération militaire israélienne à Gaza détruit mosquées, maisons, écoles et même hôpitaux. Des « bombardements chirurgicaux », pour utiliser une formule dont les services de communication de l’armée israélienne ont le secret. Or derrière les mots, il y a des actes, des violations du droit international humanitaire constitutifs de crimes de guerre. Le haut commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Mme Navi Pillay, a appelé à une enquête sur de possibles crimes de guerre commis par Israël à Gaza, tout en dénonçant les attaques aveugles menées par le Hamas contre des zones civiles. Le Conseil de la commission de défense des droits de l’Homme de l’ONU vient d’adopter une résolution palestinienne visant à lancer une enquête sur l’offensive d’Israël à Gaza par 29 voix, comprenant la voix des pays arabes et musulmans, rejoints par la Chine et la Russie, ainsi que l’Amérique latine et les pays africains. Les États-Unis ont été le seul membre à voter contre. Les 17 abstentions ont été du fait des membres européens du Conseil (notamment la France et le Royaume-Uni), plus le Japon et la Corée du Sud.
Malheureusement, un certain nombre de précédents donnent à penser que ce type d’enquête internationale aura du mal à aboutir sur des sanctions à l’endroit de l’Etat israélien. En revanche, ses dirigeants (politiques ou militaires) sont désormais sous la menace judiciaire de la plainte déposée contre Israël auprès de la Cour pénale internationale (CPI) par le ministre de la Justice de la Palestine et le Procureur général de la Cour de Gaza. Certes, Israël n’a pas ratifié le Statut (ou traité fondateur) de la CPI. Il n’empêche, la question de l’impunité de ses dirigeants se pose en des termes renouvelés depuis que l’ONU a reconnu à la Palestine le statut d’Etat observateur. Un nouveau statut qui permet d’ouvrir une voie d’accès à la CPI, une voie sans issue jusqu’alors. Jusqu’alors, l’incrimination des dirigeants israéliens par la CPI supposait l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, seul organe habilité à rendre le Statut de la CPI applicable à un Etat non partie. Or le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël rendait ce scénario fort improbable… Le nouveau statut d’Etat onusien dont peut se targuer la Palestine change la donne. En effet, pour qu’un Etat saisisse la CPI, il doit soit avoir adhéré au Statut de Rome (ce qui n’est pas le cas de la Palestine), soit déposer une déclaration de compétence, ce qu’a déjà fait la Palestine. La Cour pourrait donc se retrouver en capacité d’exercer sa compétence pour les crimes commis par l’armée israélienne dans les Territoires occupés ou autonomes palestiniens. Il revient désormais à Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, de statuer sur cette plainte.
Malgré ces nouvelles perspectives judiciaires, le conflit demeure confronté à une impasse politique. Non seulement l’opération « Bordure protectrice » s’inscrit dans une longue et triste lignée, mais elle traduit le déficit de volontarisme pour arriver à un accord global.Le cycle de la violence et de la passion vengeresse prime sur toute démarche nécessaire vers un accord global. Résultat, cette énième opération n’échappe pas à la loi du genre. Les avocats inconditionnels de l’Etat israélien se plaisent à souligner qu’il représente l’ « unique démocratie de la région », argument d’autorité ignorant toute contradiction ontologique entre les valeurs de l’Etat de droit démocratique et le recours illégal et illégitime à la force, à l’occupation, à la colonisation et à des pratiques discriminatoires relevant de la logique de l’apartheid. Cette nouvelle vague de violences a de profondes racines et s’inscrit dans un contexte qu’il convient de ne pas méconnaître. Gaza est une prison à ciel ouvert d’une densité démographique parmi les plus élevées, soumise à un blocus israélo-égyptien synonyme de crise humanitaire permanente. A cela s’ajoute l’absence de perspectives politiques : l’impasse qu’incarne le Hamas n’a d’égale que l’incapacité du gouvernement israélien à mener des négociations de paix ouvrant la voie à la création d’un Etat palestinien viable. L’échec du dernier cycle de négociations relève, aux dires mêmes du secrétaire d’Etat américain John Kerry, de la responsabilité d’un gouvernement israélien qui n’a de cesse d’humilier le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui a pourtant abandonné la voie de la lutte armée pour mieux s’appuyer sur les instruments de la diplomatie et du droit international.
Alors que l’ancienne Première ministre, Golda Meir, niait l’existence de tout peuple palestinien, l’actuel gouvernement israélien fait perdurer ce déni : sa politique qui conjugue occupation et colonisation exclut de facto la création d’un Etat palestinien viable, souverain et indépendant. L’impasse est donc d’ordre politique, purement politique.