Marqué par son caractère familial, le tourisme pratiqué par les Algériens a trouvé en Nabeul une terre de prédilection. Reportage.
Mercredi 13 août 2014. Une canicule comme pas possible s’abat en ce jour férié (fête de la Femme) sur la ville de Nabeul (38 degrés). Avenue Taieb Mehiri, à Nabeul plage, on ne peut s’étonner de ne pas trouver une place où garer sa voiture.
Les véhicules prennent place même sur les trottoirs. Des véhicules dont beaucoup sont immatriculés en Algérie. D’autres, presqu’aussi nombreuses, sont immatriculées en France. « Signe évident que beaucoup d’Algériens, venus de France, sont là pour passer leurs vacances à Nabeul avec leurs proches venus, quant à eux, d’Algérie », raconte Oussama, qui les aide chaque année- contre monnaie sonnante et trébuchante- à trouver où loger. Certains n’ont pas besoin de ses services, assure-t-il. « Ils louent la même maison chaque année », ajoute-t-il.
Nabeul et les Algériens, c’est du reste une veille histoire d’amour. « Les Algériens préfèrent cette ville à Hammamet, par exemple, qu’ils trouvent trop bruyante », constate Oussama. Constat largement confirmé par Merzak, maillot de bain noir, la cinquantaine, cheveux court et barbe de quelques jours, cadre dans une grande entreprise de Sétif, ville située à 300 Km à l’Est d’Alger.
« Les familles peuvent venir sans le moindre risque »
« Nabeul, déclare-t-il, est une ville qui convient bien aux Algériens : elle est calme, agréable et n’est pas représentative de ces villes qui ont été transformées, voir défigurées, par le tourisme. Les familles peuvent venir sans le moindre risque pour passer du bon temps », renchérit-il.
Assis sous son parasol, avec femme et enfants (3), Merzak nous présente son frère cadet (45 ans), Ahmed, qui vit à Aubervilliers, dans la banlieue parisienne, où il travaille comme mécanicien automobile.
Et si Ahmed a été conquis très vite par la ville, où il vient pour la cinquième fois, il regrette que la vie soit devenue un peu cher par rapport à ce à quoi il s’était habitué. « Les prix ont flambé », soutient-il.
L’année précédente, lui-même et son frère Merzak, sont allés en Turquie. « Nous avons hésité à cause des actes de terrorisme que nous faisaient parvenir les médias. Mais maintenant, ces actes ne nous font plus peur. De toute façon, tout est calme ici. De plus, nous autres Algériens ne sommes pas toujours mieux lotis. De l’autre côté du Djebel Châmbi, nous sommes en train de connaître aussi les affres de ce cancer terroriste. Donc, cela doit nous rapprocher », commente-t-il.
Dans la rue Taieb Mhiri, et à part la plage, la journée de la famille de Merzak est faite de quelques terrasses de cafés, comme celle du café à même l’eau que tient Sabeur, un amateur d’Oum Kholthoum, qui a donné à chaque parasol le nom d’une chanson de la grande cantatrice égyptienne.
« Si c’est pour se jeter dans le lit »
Sans oublier les allées et venues, selon les vœux des enfants, aux nombreux vendeurs de fricassés, de briks à l’œuf et de beignets au sucre qui grouillent dans le coin. Et la « nouveauté » cette année, malgré la canicule, le « Leblabi », cette soupe aux pois chiches, servie d’habitude pendant l’hiver. Avec un prix bien « estivalier » : 3 dinars et 600 millimes.
Il est 21 heures 30, et sur le gazon d’un petit espace vert de la rue Abdelkader Marzouki, des groupes de touristes algériens se installés pour prendre une bonne bouffée d’air marin. La mer est du reste à une vingtaine de mètres de là, de l’autre côté de la chaussée, qui sépare le petit espace vert de la mer.
Assis à même le sol ou sur des tabourets et des chaises longues en toile, ils discutent en buvant du thé, du café ou encore de l’eau et des sodas, en mangeant souvent ces épis de maïs grillés, vendus à quelques mètres de là sur la Corniche. La soirée ne vient, pour certains, comme Merzak, que de commencer. Ils ne partiront de là que vers minuit. Ou peut-être même un peu plus tard. « De toute façon », lance Ahmed, « si c’est pour se jeter dans le lit avec cette canicule, autant rester dehors ! »