Nous publions aujourd’hui la deuxième partie du billet économique du mois d’août 2014, publié par le Département Recherche de l’Intermédiaire en Bourse MAC SA qui a tenté d’apporter un éclairage sur les interactions entre la montée des menaces terroristes et la performance économique. Pour épargner l’économie nationale des retombées d’une menace terroriste, une série de mesures s’impose.
Un effort de fermeté
A très court terme, l’option sécuritaire est inévitable, surtout pour un pays comme la Tunisie, où l’économie demeure très dépendante des recettes touristiques et des investissements étrangers. Le contrôle des frontières et la modernisation des équipements militaires semblent être incontournables pour améliorer l’efficacité des politiques antiterroristes (une démarche curative). De même, la fermeté s’impose contre l’apologie du terrorisme sur la place publique (médias, mosquées, universités, meeting politiques, …), mais aussi contre la surenchère politicienne sur les cadavres des martyrs des actes barbares, nourrie par une entrée prématurée dans la campagne électorale (une démarche préventive).
Pour atteindre ces objectifs, un effort budgétaire (réallocation des ressources pour rénover le dispositif de sécurité) doit se conjuguer à un effort réglementaire (plus de fermeté dans les textes pour sanctionner l’apologie du terrorisme).
Un effort de dosage
Un jeu d’équilibriste conditionne l’efficacité des stratégies de lutte contre le terrorisme. L’action gouvernementale est interpellée à trois niveaux :
Comment réussir la mise en œuvre d’un plan antiterroriste sans renoncer à la liberté d’expression ?
Il est toujours très délicat de trouver le juste équilibre entre la liberté d’expression et la nécessité de prévenir le terrorisme. Toutefois, il faut veiller soigneusement à ce que les restrictions sur le droit à la liberté d’expression ne dérapent pas de leur objectif prioritaire, à savoir le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité nationale.
Comment combattre l’extrémisme religieux sans promouvoir les thèses de l’intégrisme laïc ? L’efficacité de la bataille contre l’intégrisme religieux ne doit pas faire appel au fonds de commerce de l’intégrisme laïc qui ne peut qu’exceller dans le déclenchement d’un réflexe pavlovien chez les adeptes de la mouvance djihadiste, offrant ainsi du kérosène aux actions terroristes. L’Etat tunisien n’est pas assez bien préparé pour affronter ces extrémistes et le climat des affaires reste très fragile pour supporter cette forme de délinquance intellectuelle.
Comment peut-on réussir la modernisation du dispositif sécuritaire sans provoquer de dérapage dans les finances publiques ? Car, d’une part, l’exercice de réallocation des dépenses budgétaires n’est pas un exercice facile dans une économie frappée par le virus de la fièvre revendicative, et d’autre part, toute augmentation des dépenses de sécurité serait sanctionnée par l’aggravation du déficit budgétaire.
Un effort de traque des sources de financement
La lutte contre le banditisme qui fait la pluie et le beau temps dans les circuits de distribution s’inscrit aussi dans la bataille contre les réseaux terroristes qui profitent du fleurissement d’une économie hors la loi (estimée à près de 40% du PIB) pour financer leurs opérations. De même, la dimension internationale ne doit pas être éludée. Une étroite coopération avec le Groupe d’action financière (GAFI) serait indispensable pour faire face à ce fléau.
Un effort de changement de modèle
L’économie tunisienne est une économie très sensible à la variable sécuritaire. Ce qui n’était pas le cas de l’Algérie pendant les années 90, où la menace terroriste n’a pas stoppé les exportations des hydrocarbures et les entrées de devises. La Tunisie est contrainte de diversifier ses exportations de biens et services. Certes, une diversification sectorielle, pour renforcer la place d’autres secteurs autres que le tourisme ; mais aussi une diversification géographique, avec plus d’effort de prospection sur les marchés émergents et surtout du côté africain. De même un effort semble être incontournable pour la remontée en gamme pour en finir avec le déficit chronique et inquiétant de la balance courante : 5.3% pour les six premiers mois de l’année 2014, contre 4.4 % pour la même période de 2013.
En somme, l’horreur des actes terroristes et l’ampleur des dégâts encaissés par l’armée tunisienne ont forcé le gouvernement à prendre une série de mesures courageuses pour faire barrage à cette menace.
Allons-nous attendre une forte dégradation ou un effondrement de l’économie tunisienne pour prendre de pareilles mesures sur le plan économique ? Espérons, que le gouvernement aura aussi le courage nécessaire pour engager les réformes économique les plus sérieuses permettant à la Tunisie de retrouver le chemin d’une forte croissance, avant qu’il ne soit trop tard. Car seule une croissance solide et inclusive claquera la porte au nez des VRP du terrorisme. De même une politique efficace contre le terrorisme semble être le meilleur placement à terme sur le marché de la croissance économique.