Quelle stratégie nationale est à mettre en place pour aider les entreprises tunisiennes à conquérir des parts de marché en Afrique ? La Tunisie pourrait-elle être la porte vers le continent africain ? Quels sont les atouts de la Tunisie ? Quels sont les freins potentiels ? Quels sont les erreurs à éviter ?
Pour animer le débat sur ce sujet et répondre à ces questions et bien d’autres, les Atugiens ont invité, lors d’une table ronde organisée dans le cadre du Forum de l’Atuge, un ensemble d’intervenants et conférenciers qui n’ont pas manqué de passer en revue les champs d’action où une meilleure coordination entre l’Etat et les entreprises (secteur privé) peut encourager l’investissement en Afrique. Les conférenciers ont été unanimes sur la nécessité d’encourager les entreprises tunisiennes pour aller au-delà des frontières dans l’environnement naturel de la Tunisie et surtout en Afrique afin de répondre davantage aux perspectives de développement du continent et saisir les opportunités d’affaires qu’il offre. Aujourd’hui, seulement neuf ambassades tunisiennes sont ouvertes dans l’ensemble des Etats africains.
S’appuyant sur une récente étude sur le potentiel de développement en Afrique, Thouraya Triki, une économiste principale à la Banque africaine de développement (BAD), a affirmé que la croissance de ce continent s’accélère d’une année à l’autre. « Les indicateurs de la croissance prévus pour 2015 et 2016 prouvent l’enrichissement de l’Afrique et auront un effet bénéfique , a-t-elle précisé.
Evoquant les secteurs porteurs en Afrique, la représentante de la BAD a indiqué que les terres agricoles arables non cultivées, le fort besoin en biens de consommation, le tourisme, les services, l’infrastructure, l’industrie agroalimentaire et les financiers sont les principaux secteurs et filières qui présentent un énorme potentiel d’investissement pour les entreprises tunisiennes.
Et d’ajouter que l’Afrique subsaharienne offre plusieurs opportunités pour la Tunisie, mais ce n’est pas simple. « La Tunisie n’a pas tiré profit de certaines opportunités. Il faut un plan d’action pour réussir », a-t-elle dit.
Partant de son expérience au Cepex, Nizar Ben Salem n’a pas manqué d’insister sur l’importance d’avoir une vision claire, une volonté politique avec des objectifs chiffrés et de tisser des partenariats solides avant de partir en Afrique. « L’accompagnement diplomatique et l’amélioration des services logistiques sont aujourd’hui des priorités à tenir en compte pour investir en Afrique. L’information commerciale est le maillon faible », précise M. Ben Salem.
Membre de l’Utica, Touafik Mlayah, dirigeant d’entreprise tunisienne dans le secteur du commerce, a fortement regretté l’absence d’une véritable stratégie tunisienne en Afrique, ce qui a, selon lui, provoqué l’absence d’une vision claire pour les chefs d’entreprise quant à l’investissement dans des marchés africains porteurs. « Les institutions doivent se réunir pour fixer une ligne de conduite à respecter par toutes les parties prenantes », a-t-il recommandé.
Partant d’une expérience vécue, Walid Belhadj Amor, membre du Bureau exécutif de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), a appelé à faire pression sur l’Etat. « Nous nous trompons sur l’Afrique. Pour réussir dans ce continent, il faut s’appuyer sur un bon produit, un service de qualité ou sur un savoir-faire. Nous n’avons pas une production à contenu technologique », a-t-il précisé.
Ismaïl Talbi, responsable des investissements en Afrique de l’Ouest francophone chez AfricInvest qui dispose de six bureaux en Afrique, rejoint le représentant de l’IACE pour affirmer que les Tunisiens ne sont pas féroces sur les marchés africains. «Toutes les entreprises tunisiennes ont une approche opportuniste. Il faut aller vers l’Afrique avec des partenaires locaux et un mix de ressources humaines locales et tunisiennes », a-t-il affirmé.
Cette table ronde était l’occasion pour évoquer d’autres maux qui handicapent le développement des investissements tunisiens sur le continent en Afrique. Les accords commerciaux, la mobilité des personnes, l’état des transports aériens et maritimes, le financement, la protection des investissements et la double impositions continuent, selon les conférenciers, à freiner l’accès des entreprises tunisiennes aux marchés africains.
Des accords et réformes sont à réaliser rapidement. L’infrastructure doit être améliorée davantage. Une cellule de veille et un organe d’accompagnement et de suivi sont des mécanismes à mettre rapidement en place pour une action ciblée et plus efficace.
Enfin, une stratégie nationale d’intégration régionale avec des visions et des réformes de fond est à engager à long terme.