Pour enrichir le débat sur la question du modèle de gouvernance de la décentralisation qui fait l’objet du 31e Congrès international de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie (OECT), L’Economiste Maghrébin a rencontré Dr Neila Akrimi, DG de l’International Development Centre for innovative local governance (CLIG), pour évoquer la question du partenariat public-privé (PPP), l’une de sources de développement économique régional.
leconomistemaghrebin.com : Le CLIG manifeste un grand intérêt à la question de la décentralisation. Pourquoi ?
Neila Akrimi : La décentralisation est au cœur du débat public. Nous participons à ce congrès pour aider la Tunisie à présenter notre réflexion en vue de mettre en place un plan de décentralisation et un plan de développement économique local. Nous sommes un centre d’expertise. Nous soutenons tous les montages réglementaires liés au partenariat public-privé. Malheureusement, il n’y a pas aujourd’hui un cadre légal. Nous travaillons dans le cadre du partenariat technique et des conventions avec le gouvernement tunisien et les municipalités tunisiennes.
Qu’est-ce qui empêche la mise en place en Tunisie d’un cadre légal pour le PPP ?
Le PPP est un thème technique qui comprend plusieurs détails. Il est lié directement à la création d’emplois pour les jeunes. Il demande déjà une clarification des rôles. Il doit être lié à un projet national. Tant que le cadre général n’est pas encore clarifié, on aura toujours des problèmes pour concrétiser certains principes du PPP. Ce dernier demande aussi un cadre plus favorable que celui qu’on a aujourd’hui en Tunisie. Mettre en place ce cadre n’est pas une mince affaire.
Avez-vous des propositions à l’adresse du gouvernement tunisien pour mettre en place ce cadre ?
Nous ne sommes certes pas en train d’attendre les élections pour avancer. Nous avons participé au débat et déjà présenté nos réflexions quant au PPP. Nous avons plusieurs idées. Nous avons déjà mis en place, dans le cadre de notre appui, des projets de partenariat public-privé. Il y a des projets destinés aux entrepreneurs et d’autres pour les municipalités. Nous avons aussi procédé à un diagnostic du PPP, et ce, en nous référant à nos expériences dans plusieurs autres pays comparables à la Tunisie.
Le plus important consiste à avoir une certaine créativité dans l’utilisation du potentiel existant en vue d’influer sur ce qui va être préparé pour la mise en place du cadre relatif au PPP.
Mais la décentralisation ne risque-t-elle pas d’affaiblir le rôle de l’Etat ?
Il ne faut pas raisonner en termes d’affaiblissement et de compétition entre pouvoirs régionaux et gouvernement central. L’Etat garde son autorité. On peut tirer plusieurs enseignements de l’exemple irlandais. Il faut plutôt voir les choses sous l’angle de la complémentarité en termes de définition des rôles de chacun pour favoriser un modèle de développement économique qui profite à tous et réponde surtout aux besoins des régions et des villes.
Par quoi faut-il, selon vous, commencer dans la démarche de la décentralisation ?
Il faut d’abord qu’il y ait une volonté politique parce que la décentralisation est un projet national et ça a été discuté en Tunisie à travers la Constituante. Il faut ensuite passer à la mise en place de la réglementation nécessaire.
Le développement économique local est extrêmement important, mais ça va de pair avec la gouvernance, l’appui institutionnel, le management, le PPP…Le développement économique local est tout une démarche.
N’y aurait-il pas un risque de retour de certains problèmes liés au sentiment de régionalisme une fois la décentralisation mise en place ?
D’après notre expérience dans certains pays, la décentralisation ne devrait pas provoquer la division sociétale. En Tunisie, la décentralisation pourrait beaucoup aider les villes et les régions à se compléter entre elles et où les avantages comparatifs de chacune renforce l’autre. Si on raisonne de cette manière, on atteindra l’objectif d’unité à partir de la complémentarité. La décentralisation est de pouvoir créer un équilibre entre les avantages de tous les acteurs économiques du pays.