La diffusion, le 12 octobre 2014, par M6 d’une émission sur le clan cleptomane des Ben Ali-Trabelsi fait polémique. Surtout parce que l’émission tombe en pleine campagne électorale.
Y avait-il un quelconque intérêt à regarder dimanche 12 octobre 2014 l’ “Enquête exclusive” de Bernard de La Villardière sur le “Trésor caché du dictateur” consacré à la fortune amassée par les membres du clan cleptomane des Ben Ali-Trabelsi ? Pas aussi sûr que ça!
D’abord parce que l’émission dite d’investigation n’est pas aussi pertinente que ne le laissait croire le matraquage fait par la chaîne M6 pour annoncer sa diffusion. En effet, l’émission n’a pas comporté vraiment de grandes révélations.
Tout ce qui a été dit et montré- du luxe insultant du Palais de Sidi Dhrif au refuge canadien du beau-frère Belhassan Trabelsi– est connu de la grande majorité des Tunisiens. La presse tunisienne qu’elle soit écrite, audiovisuelle ou encore électronique, sans oublier les réseaux sociaux, ont évoqué depuis trois ans en long et en large les frasques d’un clan qui a maintenu le pays dans une dictature abjecte et s’est largement servi en toute impunité des richesses du pays.
Oubli de certains épisodes très significatifs
Bien plus, l’émission a semblé somme toute sélective quant aux exactions du clan en oubliant de souligner certains épisodes très significatifs. Comme le vol, en 2006, par Imed Trabelsi, d’un yacht, en Corse-du-Sud, d’une valeur de 1,5 million d’euros (près du double en dinars), propriété de Bruno Roger, ancien patron de la banque d’affaires Lazard frères, ami de Nicolas Sarkozy, alors président français. L’affaire ne pouvait qu’intéresser M6.
Rien également sur les biens et fonds du clan des Ben Ali – Trabelsi en Suisse ou encore dans la région arabe en dehors du pays du Cèdre. L’émission s’est presque exclusivement limitée aux biens mal acquis du clan en France et au Liban.
L’émission semble de ce côté des choses, ensuite, un tant soit peu bâclée. Une bonne conduite de l’investigation ne pouvait que mener le journaliste et producteur de l’émission à faire un bon usage de sa “carte des sources” (Voir l’Enquête par hypothèse, manuel du journalisme d’investigation de Mark Lee Hunter, document UNESCO.)
Celle-ci l’aurait conduit, pour un sujet aussi complexe, à aller sur d’autres pistes et vers d’autres acteurs de la thématique et l’angle traités. Aussi bien nationaux qu’internationaux. Cela sautait aux yeux. Il fallait plutôt se focalisait sur ces pistes plutôt que de faire quelques cafés et avenues pour sonder les Tunisiens sur les élections législatives aussi bien que sur la présidentielle ou évoquer « la liberté sexuelle ». Tel n’était pas du reste le propos annoncé : l’enrichissement abusif du clan Ben Ali – Trabelsi. Bernard de La Villardière voulait-il ainsi « noyer le poisson » et détourner le regard ?
Des soupçons- rien que des soupçons- pèsent sur le producteur de l’émission
Bernard de La Villardière avait-il décidé sciemment de « dévier » de la thématique et de l’angle traités ? La question mérite d’autant plus d’être posée que le choix de diffuser le programme en pleine campagne électorale a un tant soit peu donné des idées à quelques uns. Et donné le tournis à d’autres. En clair: M6 et Bernard de La Villardière ont-ils calculé leur coup ? Dans ce même ordre d’idées, certains vont jusqu’à parler de manipulation. Il suffit pour s’en convaincre de lire les commentaires sur les réseaux sociaux. Et bien au-delà.
D’autant plus que des soupçons- rien que des soupçons- pèsent sur le producteur de l’émission qui a figuré dans la liste des médiateurs qui ont servi l’ancien régime de Ben Ali (dixit “Le livre noir” de la Présidence de la République); un régime qu’il a largement cette fois desservi.
Y avait-il là l’intention de faire pencher la balance du côté des adversaires d’une participation des représentants de l’ancien régime aux élections (Législatives et Présidentielle) ? Certains le pensent. Une participation qui a occupé une partie des débats depuis le 14 janvier 2014. Tel pourrait ne pas être l’intention de l’émission diffusée dimanche 12 octobre 2014 par M6. C’est du reste un pas que nous ne franchiront pas. Mais le doute persiste malgré tout. Une chose est sûre : Bernard de La Villardière a mis le doigt dans l’engrenage tunisien.