A l’approche du jour du scrutin en Tunisie, la presse française consacre de plus en plus d’articles à cet événement. Ci-après des extraits de quelques articles parus sur ces médias.
En 2011, face à des opposants divisés, le parti islamiste était arrivé en tête du premier scrutin libre de l’histoire de la Tunisie. Pour les législatives de dimanche, le camp séculier se présente de nouveau en ordre dispersé. Divergences idéologiques, querelles d’ego et mode de scrutin à la proportionnelle laissant une chance aux petites écuries : les détracteurs des islamistes auront le choix entre une multitude de listes. Ennahdha a su, pour sa part, préserver son unité et reste avec ses dizaines de milliers de militants revendiqués le seul véritable parti de masse organisé du pays. « L’opposition n’a pas appris (la leçon de 2011). Il y a chez elle un manque de conscience de la sensibilité de la période actuelle (…) et à quel point cet émiettement sert Ennahdha », explique Khaled Abid, spécialiste de l’histoire contemporaine de la Tunisie.
Il évoque en outre « le narcissisme » des leaders de l’opposition : « chaque dirigeant de parti se voit au pouvoir ». Si Nidaa Tounes, un parti hétéroclite réunissant militants de gauche, syndicalistes, hommes d’affaires et même des membres du parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, se détache très largement, la présence des autres listes séculières peut lui coûter la première place, celle qui, selon la Constitution, détermine le parti devant former le prochain gouvernement. Parmi les scénarios possibles, « Nidaa pourrait être obligé de former un gouvernement avec Ennahdha. Une alliance contre nature mais pragmatique, et qui ne durera pas forcément», dit-il. Sans compter les divisions au sein de certains partis. Nidaa Tounes, agité par des tensions internes, a exclu en septembre deux de ses figures ; l’une ayant publiquement posé des questions sur l’état de santé de Béji Caïd Essebsi, l’autre soutenant un candidat différent à la présidentielle. Certains militants reprochent en outre à leur leader de ne pas passer la main à une génération plus jeune, et d’autres enfin n’apprécient guère un rapprochement trop marqué avec des caciques du régime déchu.
Le président fondateur du parti libéral tunisien, Béji Caïd Essebsi, en campagne électorale pour les législatives et la présidentielle en Tunisie, s’est présenté comme « l’alternative à l’islamisme » dans son pays, au cours d’un déplacement à Nice. Lors d’une conférence de presse, M. Essebsi s’est posé en « principale alternative à l’islamisme », du parti Ennahdha. « Les électeurs vont trancher entre notre projet, inscrit dans la modernité et le XXIe siècle, et un autre projet, religieux. » La Tunisie connaît le terrorisme, ce qui n’est pas dans ses habitudes. La solution au problème passe par une stratégie à l’échelle régionale, en accord avec les pays voisins, la Libye, l’Egypte, l’Algérie, le Mali et le Niger ». Concernant d’éventuelles alliances que son parti, Nidaa Tounes, pourrait nouer après les élections législatives, qui ont lieu au scrutin proportionnel, il a indiqué vouloir chercher « le plus large consensus possible ». « Même si nous obtenons la majorité absolue, nous ne gouvernerons pas seuls », a-t-il promis . Quelque 5,2 millions d’électeurs sont appelés aux urnes en Tunisie pour élire, avec près de deux ans de retard sur le calendrier initial, 217 députés dans 33 circonscriptions, y compris six à l’étranger. Ils retourneront aux urnes le 23 novembre pour choisir leur futur président.
Nombreux sont les jeunes Tunisiens qui ne se précipiteront pas pour aller voter lors des élections législatives et présidentielle les 26 octobre et 23 novembre prochain. La faute à une classe politique d’une autre génération, qui semble peu soucieuse de leurs difficultés économiques et sociales. L’heure est au désenchantement.
La révolution, un temps source de fierté, fait place au regret chez de nombreux jeunes Tunisiens. Hamza Salem, 24 ans, maudit même le départ de Ben Ali. « Cette révolution nous a enterrés. Nous essayions de ne pas nous noyer sous Ben Ali. Le chômage était présent. Mais les prix restaient stables. Aujourd’hui, nous sommes en train de crever la bouche ouverte », martèle le jeune homme. Cet étudiant fait partie de cette cohorte des jeunes diplômés qui n’arrivent pas à s’intégrer correctement dans la vie économique du pays. 50% des jeunes ne trouvent pas un emploi à la sortie de leurs études supérieures. Ce chiffre monte à plus de 65% chez les jeunes femmes.
Ce sont plus de 350 000 diplômés qui se retrouvent au chômage. « Aujourd’hui, je travaille un peu, comme assistant modéliste auprès de créateurs textiles. Je fais trente kilomètres en bus certains matins pour gagner quelque 15 à 20 dinars par jour (6 à 9 euros, ndlr). Je gagne 100-150 dinars par mois. Un simple paquet de cigarettes coûte six dinars. Comment vivre ? Le soir lorsque je me couche, j’ai faim », se lamente le jeune travailleur. Ahmed Sassi, 29 ans, était dans la rue en janvier 2011, dressé contre le pouvoir de Ben Ali. Le jeune homme, chômeur depuis quatre ans, brosse un tableau sombre de ces quatre premières années d’expérience démocratique. « La société tunisienne reste gangrénée par la corruption, le clientélisme. Un emploi public, tel qu’un poste d’enseignant se payait, sous Ben Ali, 7000 dinars (4500 euros). Aujourd’hui, il faut connaître quelqu’un proche du pouvoir ou payer 9000 dinars. Les prix ont augmenté », assure, désabusé, ce diplômé d’une maîtrise de philosophie.
Mériem Soltani, 35 ans, au chômage depuis 2002 et diplômée d’une maîtrise d’histoire-géographie avait, elle, voté en 2011 pour Ennahdha. Ces hommes proches de Dieu, au conservatisme moral, semblaient être plus honnêtes. « J’espérais qu’ils allaient mettre fin à ce système de corruption qui écarte les plus méritants. Ils ont eu un comportement encore plus grossier et vénal que le régime de Ben Ali », confie la jeune mère de famille. « Je ne me déplacerai peut-être pas cette fois-ci au bureau de vote », confie la jeune femme. Ennahdha, le parti de Rached Ghannouchi, 73 ans, préfère pour l’instant se concentrer sur les élections législatives du 26 octobre prochain. « Ces politiques, qui dominent la scène nationale depuis près de quatre années ont tellement rongé leur frein lors de la dictature de Ben Ali. Leur temps est enfin venu et il n’est pas question de laisser la place aux jeunes. Tous ces hommes, en outre, se connaissent et ils se sont serré les coudes sous la dictature. En dehors de leurs différences idéologiques, il existe entre eux une vraie connivence », explique Selim Kharat. Illustration de cette solidarité générationnelle : des parlementaires n’avaient pas hésité à déposer un amendement destiné à empêcher toute candidature aux élections présidentielles pour les citoyens âgés de moins de 40 ans. « Hormis Ennahda, qui possède une vraie base sociale, tous ces partis ne sont que des clubs politiques où tout le monde se coopte. Pourquoi chercher à intégrer politiquement des jeunes ? » ajoute Selim Kharat.
Nidaa Tounes, principal parti politique du pays aux côtés d’Ennahdha, dirigé par Beji Caïd Essebi, 88 ans, n’a pas daigné présenter, cette fois-ci, de mesures destinées à intégrer économiquement les jeunes. Le secrétaire général du parti, Taieb Baccouche, vieux routier de la politique de 70 ans, et ancien chef du principal syndicat du pays l’UGTT sous Bourguiba, soutient Beji Caïd Essebi dans la course à la présidence.