Ennahdha avait-il raison de s’en prendre aux sondages dits à la sortie des urnes annoncés le soir des élections du 26 octobre 2014 ? Oui et non. Et ce n’est pas une réponse de Normand. Analyse.
Polémique dimanche 26 octobre 2014, jour des élections législatives, lorsqu’Attounsya et Al Watania 1 balancent à partir de 21 heures les résultats de sondages dits à la sortie des urnes. Branle-bas de combat sur le plateau d’Attounsya: Samir Dilou, membre de la direction d’Ennahdha, se lance dans une diatribe accusant les auteurs des sondages de vouloir « orienter l’opinion alors que l’on compte encore les bulletins de vote ou que des urnes n’ont pas été même encore ouvertes ».
Même chose sur le plateau de la chaîne Ezzitouna quand l’animateur s’en prend sur ces sondeurs qui « diffusent des chiffres alors que les bulletins ne sont pas encore comptés ». Son invité ne dit pas mieux et se lance lui aussi dans un long discours pour critiquer -le mot est faible – les sondeurs du jour. Des propos qu’accompagnent, pour l’essentiel, un newsbar (le texte qui défile au bas de l’écran) qui affiche des résultats de quelques circonscriptions bien réconfortants pour Ennahadha.
En fait, il faut raison garder : Abdelbari Attouane, journaliste de renom vivant à Londres, intervient pour remettre pour ainsi dire les pendules à l’heure. Rien n’interdit de diffuser les résultats d’un sondage dit à la sortie des urnes ; un sondage qui – faut-il le rappeler – « dont les répondants sont des votants à peine sortis des bureaux de vote et dont l’objet principal est précisément le vote qu’ils viennent d’effectuer dans le secret des isoloirs ».
Il s’agit, Abdelbari Attouane ne rate pas l’occasion de le rappeler, d’une pratique courante dans les démocraties occidentales. Faut-il également insister sur le fait que ce type de sondage est le seul et unique exercice capable de donner une idée des scores des parties en présence ? Même si, et les animateurs d’Attounsya et d’Al Watania 1 l’ont répété, ce ne sont que des tendances qui peuvent être corrigées.
Le porte-parole du mouvement le reconnaîtra le lendemain
Le mouvement Ennahdha jouait-il au mauvais perdant ? Refusait-il de dire d’aussitôt qu’il ne se plaçait pas premier dans cette bataille électorale ? Là n’est peut-être pas le propos. Le porte-parole du mouvement le reconnaîtra le lendemain.
Mais là où Ennahdha a sans doute raison c’est que la pratique des sondages électoraux a besoin d’être réglementée dans notre pays. On ne peut s’y soustraire dans une démocratie même naissante. Beaucoup de pays à commencer par la France, qui nous est proche culturellement, s’y est engagée en 1977. Voilà près de quarante ans.
Le 19 juillet 1977 était en effet publiée au Journal officiel français la loi relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion. Une loi qui réglemente la pratique du métier de sondeur électoral. Avec la création notamment –on ne le dira jamais assez- d’une Commission des sondages qui établit les règles assurant une objectivité et une qualité de ce type de sondages et vérifie que ces derniers sont bien réalisés selon les normes qu’elle a décidées.
Dépôt du texte intégral des questions
Cette loi précise, par ailleurs, que tout sondeur doit procéder avant publication d’un sondage électoral à un dépôt d’une notice précisant « la méthode », « l’échantillon », « les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations », « la proportion des personnes n’ayant pas répondu à chaque question », « les limites d’interprétation des résultats » et « la méthode utilisée pour en déduire les résultats de caractère indirect qui seraient publiés ». Tout un programme lorsqu’on sait aussi que cette même loi exige que soit déposé le texte intégral des questions posées.
Dans le même ordre d’idées, il est à souligner que la mesure d’audience des médias audiovisuels, de loin les plus importants, qui est l’activité qui offre des chiffres sur la consommation des médias (taux d’écoute, taux de pénétration,…), n’est assuré, en Occident, et pour l’essentiel, que par des organismes dits d’autorégulation. C’est le cas notamment de Médiamétrie en France qui est née de la conjugaison des efforts des trois acteurs du paysage audiovisuel (médias, annonceurs et agences).
Autant dire que les résultats – et donc la démarche – ne peuvent que répondre aux intérêts et aux besoins des trois parties afin qu’elles n’aient précisément rien à redire.
Voilà qui est clair !