Les représentants de la Fondation Chokri Belaïd contre la violence et du comité de défense du martyr Chokri Belaïd ont tenu mercredi 5 novembre une conférence de presse pour répondre à la campagne de diffamation – visant le martyr et sa famille – qui a débuté avec la diffusion du film documentaire d’Al Jazeera.
Déterminée, Basma Khalfaoui, veuve du martyr et avocate, a démarré la conférence en rappelant que la vérité sur l’assassinat de Chokri Belaïd sera divulguée peu importe les difficultés que certains mettront en travers de la route pour que cela ne se fasse pas.
Maître Khalfaoui a tenu à préciser que le terrorisme, par lequel passe la Tunisie en ce moment, est la conséquence du laxisme des gouvernements précédents et que le martyr ne cessait d’alarmer l’opinion publique sur son danger. Elle a ajouté que certains médias ont encouragé le terrorisme et que cela a provoqué son expansion dans le pays.
Quant au documentaire produit par la chaîne Al Jazeera, Mme Khalfaoui l’a décrit comme malsain. Elle a affirmé qu’il a produit l’effet contraire à celui recherché puisque « plusieurs personnalités, associations et partis politiques nationaux et internationaux l’ont contactée pour lui exprimer leur indignation face à cette manipulation du dossier de l’assassinat de feu Chokri Belaïd ». Basma Khalfaoui a aussi énuméré les associations et partis qui ont publié des communiqués dans lesquels ils ont dénoncé le documentaire : le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie, le Comité de vigilance pour la démocratie en Tunisie, le Front populaire, l’Association tunisienne des jeunes avocats, le Parti des patriotes démocratiques unis, Beity, l’Association tunisienne des Femmes démocrates et l’Ordre national des avocats de Tunisie.
Ali Kalthoum, avocat et membre du comité de défense du martyr Chokri Belaïd, a, quant à lui, établi une analyse personnelle du film-documentaire « Qui a tué Belaïd ? ». Pour commencer, il a commenté le matraquage qui a précédé la diffusion du film : des bandes annonces lancées deux semaines auparavant le 30 octobre et qui ont coïncidé avec la campagne électorale en Tunisie et les élections législatives.
« Al Jazeera se croit autorisée à contrôler les boîtes noires de la Tunisie », tels ont été les propos de l’avocat qui s’est emporté, en rappelant que le narrateur du film a décrit, tout au début du documentaire, Chokri Belaïd comme étant « un activiste de la gauche extrême ayant organisé plusieurs confrontations avec la Troïka et ayant troublé l’ordre du pays après que celui-ci eut retrouvé le calme après la révolution ».
En ce qui concerne Meher Zid, le journaliste tunisien faisant partie de l’équipe de préparation du documentaire, Ali Kalthoum considère que ce dernier a employé ce documentaire afin de blanchir le terrorisme et de changer la qualification de l’assassinat de crime d’Etat en un simple meurtre, en se basant sur des supposés problèmes familiaux et en laissant croire que c’étaient les vrais motifs du meurtre…
L’autre élément évoqué par maître Kalthoum, c’est Cheker Chorfi, professeur d’enseignement secondaire et chercheur islamiste. Chorfi se serait rendu volontairement à la police judiciaire, après quelques jours de l’assassinat, pour témoigner contre Basma Khalfaoui et l’accuser du meurtre de Chokri Belaïd.
Sur le plan légal, l’avocat a mis l’accent sur des infractions très graves : l’équipe du documentaire a réussi à entrer en contact avec un leader du mouvement terroriste Anssar Al Chariaa, classé comme mouvement terroriste en Tunisie, qui leur a donné des informations sur l’accusé principal du dossier de l’assassinat, Ahmed Rouissi. Cette information, selon la loi qui dit que la source et l’information du journaliste ne sont plus protégées du moment que ces dernières ont un lien avec le terrorisme, aurait dû être transmise sur le champ à la police, chose qui n’a pas été faite. Cette infraction sera la base, entre autres, de la plainte qui sera déposée par la Fondation Chokri Belaïd Contre la Violence.
De son côté, Najet Belaïd, la sœur du martyr, a tenu à exprimer que cette tentative « d’assassinat du symbole Belaïd ne réussira jamais ». Pour elle, les problèmes autour desquels a tourné le film-documentaire ne concernent que la famille. Mme Belaïd a renouvelé ses accusations contre le mouvement Ennahdha et le parti du CPR d’être derrière ce documentaire, vu son timing et la façon dont il a traité l’affaire. Elle a tenu à préciser que, pour elle, l’accusé principal de cette affaire reste Ali Laarayedh, dirigeant au sein d’Ennahdha, ex-ministre de l’Intérieur avant l’assassinat et ex-Premier ministre.
Najet Belaïd a, par ailleurs, déclaré que sa famille comptait porter plainte contre Cheker Chorfi et Meher Zid, qui aurait appelé l’un des membres de la famille pour lui transmettre « d’importantes données ». Elle a aussi tenu à préciser que- vu la relation de complicité qu’elle avait avec son frère- Leila Ben Debba était une simple collègue de Chokri Belaïd et qu’elle n’avait aucun lien d’amitié avec lui.
Mme Belaïd a fini son intervention par une note qui a fait couler les larmes de plusieurs des présents : sa réaction à la vue des photos du martyr, des photos fuitées de la morgue et prises par la police technique. « Je ne me suis jamais sentie aussi forte de ma vie, ces photos m’ont rappelé le premier cadeau que m’a offert mon frère ; un tableau de Husseïn avec la tête coupée et séparée de son corps, les photos de mon frère m’ont rappelé ce cadeau et cette symbolique, il n’a jamais été aussi vivant et fort pour moi ».
Avant de clôturer la conférence, Basma Khalfaoui a tenu à préciser un point : « J’ai organisé cette conférence pour mes filles, pour Neyrouz et Nada Belaïd, qui ne méritent pas ce qui leur arrivent, pour qu’elles voient, un jour, que personne ne s’est tu quand on s’en est pris à la réputation de leur père, notre martyr ».
Une chose est sûre, la résistance et la force de la famille Belaïd sera le rempart du salut pour les deux petites Neyrouz et Nada Belaïd.