Conjoncture de grandes manœuvres, la campagne électorale annonce des positionnements et des repositionnements des acteurs politiques. Alors que Nidaa Tounes, Ennahdha et le Front Populaire, grands gagnants des élections parlementaires remettent à l’ordre du jour leurs stratégies, les autres acteurs se ressaisissent et tentent de susciter un renversement de tendances.
Nidaa Tounes souhaite conforter sa victoire par une victoire de son leader à la présidentielle. Ajournant toute discussion, en vue de la formation du gouvernement, à la fin du processus électoral, il fait valoir son souci de rassemblement et de coopération, dans le cadre d’une alliance gouvernementale ou d’une simple coexistence entre les deux grands partis vainqueurs. Pouvait-il ignorer les exigences de ses électeurs, qui ont privilégié le vote utile, pour s’assurer une alternance au pouvoir, consolidant les acquis de la modernité ? Fidèle à ses principes, le Front Populaire rappelle son programme, en faveur des déshérités et des régions périphérisées. Il affirme son opposition à tout gouvernement associant le parti Ennahdha, condition sine qua non pour sa coopération avec Nidaa Tounes.
Abandonnant son appel à un « candidat consensuel », le parti Ennahdha donne à ses partisans la liberté de choix du candidat qu’ils jugent le mieux placé pour occuper le poste de président (décision du Conseil de la Choura, 7 novembre 2014). Cet abandon de ses alliés au sein de la Troïka et des candidats proches de sa mouvance peut surprendre. Le parti n’a pu départager le CPR et Ettakattol. D’autre part, il ne pouvait prendre le risque d’un nouvel échec, en se mobilisant pour l’un de leurs candidats. Fallait-il ne pas tenir compte de la déficience de leurs assises ? Le CPR a obtenu quatre sièges alors que le parti Ettakattol, qui a présidé l’Assemble Constituante, ne dispose d’aucun siège. Caprice de la conjoncture du 23 octobre 2011, ces deux partis occupaient après Ennahdha, les premiers rangs. La décision de « neutralité » officielle du parti Ennahdha annoncerait une dispersion des voix et ruinerait les chances de leurs anciens alliés. Est-ce à dire que ce parti recherche une nouvelle configuration de ses alliances, qui n’exclurait pas un rapprochement avec Nidaa Tounes ?
Ultime argument des perdants, après l’échec de leur initiative, en faveur d’une troisième voie, la tactique de lutter contre l’hégémonie du parti favori. Or, ils s’étaient accommodés de l’hégémonie effective de leur allié au sein de la Troïka, sans états d’âme. Pouvaient-ils ainsi défendre une option en contradiction avec la Constitution et favoriser un risque de cohabitation difficile et facteur d’instabilité, dans une conjoncture d’une nécessaire mobilisation. Mais le souci premier de ces partis devait plutôt concerner leur sauvegarde, après la dure épreuve qu’ils viennent de subir. Comment appréhender la sanction des électeurs ? Ne fallait-il pas transgresser leurs egos et se mettre à l’écoute des citoyens ?
Conforté par le soutien de ses alliés et la dispersion de ses adversaires, Béji Caïd Essebsi pourrait être élu dès le premier tour. Dans le cas d’un deuxième tour, il bénéficierait du soutien du Front populaire, du parti Afak, des Destouriens et de la gauche. Est-ce à dire que les dés sont déjà jetés ?