Aux Législatives du 26 octobre 2014, le peuple tunisien s’est prononcé pour un changement de régime et Nidaa Tounes a largement dominé. La victoire de Nidaa Tounes est en grande partie expliquée par le fait que l’électorat tunisien a décidé de voter massivement utile. Quel a été l’impact du vote utile sur les élections législatives ? L’analyse statistique ci-après nous le dévoile.
Bilan par parti
Le parti Al Jomhouri a perdu le plus grand nombre de votes durant les élections législatives de 2014 soit 52 000 votes et un seul siège de gagné. Les trois partis avec les plus hauts pourcentages de votes perdus sont l’Union pour la Tunisie (UPT), Ettakatol, et Wafa, qui collectivement déplorent 73 600 votes perdus, sans obtenir aucun siège dans la nouvelle Assemblée du peuple. Les plus grandes victimes du vote utile ont été les partis libéraux et de gauche qui ont vu leurs bases électorales les lâcher au profit de Nidaa Tounis. Le parti Al Jomhouri (-15 sièges), l’UPT/Pole (-5 sièges), le Parti Al Moubadara (-2 sièges) et d’autres partis ou listes indépendantes (-9 sièges) ont tous subi des pertes électorales.
Seuls Afek Tounes et le Front populaire ont gagné des sièges. Le parti Al Jomhouri et l’UPT ont été sacrifiés au profit du vote utile.
Bilan par circonscription
Durant ces élections, il y a eu en totalité environ 830.000 votes perdus, c’est-à-dire des votes qui n’ont pas compté au regard du gain de sièges à l’Assemblée du peuple. Le pourcentage national de votes perdus a été de 24%, nettement moins qu’en 2011. Comme en 2011, les régions qui ont les plus hauts pourcentages de votes perdus sont les régions intérieures (Tozeur, Kasserine, Gafsa, Sidi Bouzid, Zaghouan au top 5) et les circonscriptions des Tunisiens à l’étranger. Les régions côtières et le Grand Tunis ont observé la plus grande concentration de votes.
Et si les petits partis progressistes avaient formé une coalition
Que se serait-il passé si les partis progressistes avaient formé une coalition aux élections ? A travers une simulation des effets d’une coalition hypothétique entre l’UPT, Al Joumhouri, Al Moubadara, l’Alliance démocratique et le MDS, ces partis auraient récolté dans la foulée 21 sièges au lieu de 5. Les pertes auraient été les suivantes: Front populaire (-5), UPL (-3), Nidaa (-3), Afek (-2), Autres partis/indépendants (-2), Ennahdha, Courant Démocrate et Al Mahabba (tous -1 siège).
La coalition n’aurait pas, de toute façon, affecté la première place de Nidaa Tounes. L’autre fait notable est que le camp démocrate aurait bénéficié de 8 sièges supplémentaires dans l’Assemblée du peuple, ce qui aurait facilité la formation d’un gouvernement et renforcé la stabilité des coalitions parlementaires.
En résumé, la présente analyse a étudié l’impact du vote utile sur les élections législatives tunisiennes d’octobre 2014 qui a résulté en une grande concentration des votes en faveur de Nidaa Tounes et une débâcle électorale pour plusieurs partis laïcs et de gauche, surtout l’UPT (ou Al Massar), le parti Al Joumhouri) et l’Alliance démocratique. L’analyse montre également que le vote utile, bien qu’ayant atteint son objectif en plaçant Nidaa Tounes en tête, est tout de même une stratégie contre-productive au regard des pertes électorales subies par le camp laïque.
En définitive, partis démocrates n’ont pas su évaluer leurs positions sur l’échiquier politique et le rejet de l’électorat tunisien du gouvernement de la Troïka. En sous-estimant l’échelle du vote utile et en décidant de se présenter en solo aux élections, ils ont subi un échec cinglant. Il en eût été autrement si une coalition avait été formée, avec des listes communes : ces pertes auraient pu être minimisées et la coalition aurait été la troisième force politique du pays.