La violence à l’encontre de l’enfant est une violence avouée à demi-mots, mésestimée, un phénomène de société à part entière banalisé tant elle est inscrite dans nos pratiques de vie quotidiennes. Au vu de son impact sur les sociétés, l’Association Tunisienne de Défense des Droits de l’Enfant, avec le soutien de l’Unicef, a organisé une table ronde le 19 novembre à la Faculté de Médecine de Tunis , intitulée : « Violences faites aux enfants : secret médical, devoir de signalement ».
Dans le cadre de la Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants, célébrée chaque 19 novembre en synergie avec la Journée des droits de l’enfant (20 novembre), tous les défenseurs de cette cause mettent en lumière la gravité de ces abus, ainsi que la nécessité d’intervenir de toute urgence par la diffusion de programmes de prévention.
En Tunisie, urgence est un vain mot, le constat est accablant, comme en témoignent les résultats du rapport de l’enquête à indicateurs multiples (MICS4-Tunisie) , réalisée en 2011 et 2012, par le ministère du Développement et de la Coopération internationale, en collaboration avec l’Unicef, qui indiquent que, parmi les enfants âgés de 2-14 ans, 94 % ont subi une discipline présumée violente, qui comprend une agression psychologique et/ou une punition physique. Une violence largement enracinée dans les mentalités et dans les traditions, acceptée car (faussement) assimilée à la conception de la discipline et l’éducation.
Dans ce contexte très particulier, les professionnels de santé sont souvent en première ligne, et sont les premiers maillons de la chaîne qui contribue à la protection de l’enfant. Confrontés dans la pratique de leur profession à toutes sortes de violences et abus à l’encontre des enfants, leur devoir est de les chercher, les confirmer, prodiguer des soins, et surtout les signaler. En effet, le signalement d’une violence commise envers l’enfant est, obligatoire, et dicté par l’article 31 du Code de la Protection de l’Enfant en vigueur en Tunisie depuis 1996 et qui stipule que : « Toute personne, y compris celle qui est tenue au secret professionnel, est soumise au devoir de signaler au délégué à la Protection de l’Enfance tout ce qui est de nature à constituer une menace à la santé de l’enfant, ou à son intégrité physique ou morale (…) ».
Le signalement d’un abus envers un enfant ne tient donc pas compte du secret professionnel, et s’impose même en cas de suspicion. La loi protège par contre celui qui s’est acquitté du devoir de signalement par l’anonymat, et aucune procédure judicaire n’est engagée à son encontre, en cas de signalement erroné.
Les procédures de signalement sont simplifiées et peuvent se faire sur Internet via le site : Délégué à la Protection de l’Enfance
La Tunisie n’est pas seule à être confrontée à ce phénomène qu’un grand nombre de professionnels de la santé considèrent comme un problème de santé public. De par le monde , selon le dernier rapport de l’Unicef sur la violence envers les enfants, intitulé « Cachée sous nos yeux », en moyenne 6 enfants sur 10 ( soit près d’un milliard d’enfants) âgés de 2 à 14 ans sont soumis à des châtiments corporels. Les acteurs de ces violences étant, généralement, les personnes qui s’occupent d’eux de manière régulière. Dans la majorité des cas, les victimes subissent un mélange de châtiment physique et d’agression psychologique.
Nos adultes de demain sont violentés , battus, et négligés. Certains d’entre eux sont déjà voués à l’échec scolaire, aux conduites addictives, et à la marginalisation. Pourtant éduquer son enfant dans le respect et la non-violence est tout à fait possible. Une prise de conscience collective de la responsabilité de tous serait-elle le début de la fin de la maltraitance de l’enfant ?