Le candidat à la présidentielle du Front Populaire, Hamma Hammami, nous a reçus, dans la soirée du 19 novembre 2014, dans son bureau afin de nous accorder un entretien à l’occasion de sa campagne électorale.
leconomistemaghrebin.com : Actualité oblige, on aimerait savoir comment vous qualifiez le retrait de trois candidats, entre la journée d’hier et celle d’aujourd’hui, de la course à la présidentielle ?
Hamma Hammami : La Tunisie n’a jamais connu dans son histoire un tel nombre de candidats à la présidentielle. Le retrait de certains candidats ne peut qu’être bénéfique. Cela va réduire la dispersion des voix le jour du vote. Chacun desdits candidats a présenté les raisons qui l’ont poussé au retrait. Cela fait partie de leur liberté.
A l’approche du 23 novembre, le jour du vote, on entend beaucoup de personnes dire que la Tunisie n’a pas besoin d’un vrai militant à la présidence mais de quelqu’un ayant un minimum d’expérience politique. Qu’en pensez-vous ?
Au contraire ! La Révolution tunisienne a eu lieu parce que plusieurs aspects n’allaient pas correctement dans le pays. Tous les domaines sont concernés par ce changement, notamment la politique. La démocratie ne peut être bâtie que par des démocrates. Le progrès ne peut être réalisé que par des progressistes. La justice sociale ne peut s’établir que par des gens qui y croient.
Que Moncef Marzouki ait échoué pendant son mandat cela ne veut rien dire. Qui vous dit que ce monsieur porte un projet révolutionnaire ? Qui vous dit qu’il a une vision et un programme socialiste ? A ma connaissance, ce n’est pas M. Marzouki qui a fait la Révolution tunisienne. C’est le peuple tunisien qui l’a faite. D’ailleurs, Moncef Marzouki n’est qu’un militant parmi d’autres en Tunisie. Il a échoué parce qu’il ne portait ni vision, ni programme. Il s’est allié à un mouvement politique rétrograde n’ayant aucun lien avec la révolution du 17 décembre 2010 -14 janvier 2011 .
Il est vrai que ses alliés sont ces gens dotés d’une certaine expérience politique, mais pourquoi n’ont-ils pas réussi avant avec Ben Ali ou même avec la Troïka ? N’oublions pas que les personnes expérimentées en la matière ont fait faillir le pays et le peuple s’est révolté contre eux! Un président de la République doit être expérimenté vous me dites ! Est-ce que H. Bourguiba, en arrivant au pouvoir, avait une expérience politique ? Est-ce qu’il avait exercé la fonction d’un président ou même d’un ministre ? Bien sûr que non!
A mon avis, le futur-président (e) de la République doit d’abord être un militant parce que nous vivons dans une phase post-révolutionnaire. Et par militant, je veux dire une personne qui a combattu la dictature. Le militantisme en lui-même est une compétence. Le militant dont on parle est celui qui est capable d’unir les Tunisiens et de bâtir la future Tunisie. Aujourd’hui, nous estimons que nous sommes capables de mener cette mission. Avoir une expérience politique comme seul argument dans la candidature serait une tentative de faire avorter la Révolution tunisienne et de revenir à l’ancien régime.
La campagne électorale a été marquée par une certaine violence verbale. La dernière était l’emploi par M. Marzouki du terme ‘Taghout’. Qu’en dites-vous ?
Ce terme a une connotation purement religieuse. Sa perception chez les Tunisiens est directement liée au terrorisme. L’emploi même de ce terme est nouveau pour nous. On n’y est pas habitués. Le ‘Taghout’, souvent utilisé par les terroristes pour désigner les soldats et la police, représente l’ennemi de Dieu et des croyants. Ce terme a créé une polémique sur la scène politique. Son utilisation a été faite dans une atmosphère violente des membres des LPR et des salafistes (Bechir Ben Hssine). Il est impératif aujourd’hui qu’on s’éloigne de ce genre de termes parce que les Tunisiens ont besoin de quelqu’un qui les rassemble et les unisse, pas le contraire.
Quelle sera la diplomatie que vous emploierez en cas de succès à la présidentielle ?
Il nous faut une nouvelle doctrine diplomatique. Durant ces trois dernières années, la diplomatie tunisienne a connu un vrai échec. Le pays a perdu sa ligne diplomatique. Pis encore, elle est même devenue partisane.
La conduite diplomatique n’est plus déterminée par les intérêts du pays mais par l’attitude de l’Etat et surtout de la présidence de la République. Les principes de la vraie diplomatie sont bien connus en diplomatie : ne pas intervenir dans les affaires internes des pays tiers, traiter les pays comme ils nous traitent… Et puis, quand on intervient dans des affaires internes d’autres pays, qui nous garantit qu’ils n’en fassent pas de même après ? Il est impératif aujourd’hui de soigner notre diplomatie afin qu’on puisse faire respecter notre Etat par les autres Etats. Il faut aller vers la diplomatie économique et chercher à élargir nos horizons. On n’est plus obligés d’avoir 85% d’échanges commerciaux exclusivement avec l’Europe. On peut aussi aller vers l’Asie et les pays de l’Amérique Latine. La diplomatie tunisienne devrait désormais être au service des Tunisiens, notamment ceux qui sont à l’étranger.
Que promettez-vous à vos électeurs en cas de réussite ?
Je leur promets de garantir la continuité de l’Etat en faisant tout pour que les institutions de l’Etat collaborent davantage entre elles. Je ferai tout pour que la Constitution tunisienne soit notre seule référence, qu’elle soit appliquée et respectée. Je ferai tout pour que le peuple tunisien soit décideur du sort de ses richesses, pour que les libertés soient respectées et pour que l’égalité règne partout dans le pays. S’agissant de l’aspect sécuritaire, j’aiderai à l’instauration d’une nouvelle doctrine sécuritaire. Il n’y a pas que le terrorisme qui dérange. C’est toute une atmosphère d’insécurité qui règne autour de nous en ce moment. Les agents de sécurité, tout comme l’Armée, connaîtront des progrès au niveau de leur condition de travail (salaire, équipements, avancement, suivi…).
Pour finir, je promets de faire tout ce que je peux afin de restaurer l’espoir chez les Tunisiens, notamment chez la jeunesse tunisienne.