Human Rights Watch ( HRW ) a, dans son communiqué publié aujourd’hui, affirmé que les poursuites pénales contre Jouini constituent une violation de son droit à la liberté d’expression, qui est garanti par l’article 31 de la nouvelle Constitution tunisienne, et par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont la Tunisie est un État partie. Et d’ajouter qu’en 2011, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies (CDH) a émis des directives à l’intention des États parties concernant leurs obligations en matière de respect de la liberté d’expression aux termes de l’article 19, qui soulignaient l’importance que le PIDCP accorde à l’exercice sans entraves de la liberté d’expression « dans le cadre du débat public concernant des personnalités publiques dans le domaine politique et dans les institutions publiques ».
Notons que le Tribunal militaire de première instance de Tunis a infligé cette peine à Sahbi Jouini le 18 novembre 2014, à l’issue d’un procès qui s’est tenu en l’absence de l’accusé et sans qu’il en ait été notifié à l’avance.
« La réponse appropriée des autorités aux accusations de Jouini serait d’enquêter à leur sujet », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du nord à HRW. « En envoyant le messager en prison, les autorités tunisiennes tentent d’étouffer le débat public sur le comportement et les compétences du ministère de la Défense ».
HRW a, par ailleurs, appelé le parlement tunisien, élu le 26 octobre 2014, à réformer d’urgence toutes les lois qui prévoient des peines de prison pour diffamation et insultes à l’égard des institutions gouvernementales. HRW a également appelé les juges à s’appuyer, dans leur interprétation des lois, sur l’article 49 de la Constitution, qui limite le champ des restrictions autorisées aux droits et libertés. Cet article stipule que toute restriction imposée à l’exercice de droits humains garantis par la Constitution ne doit pas compromettre l’essence de ces droits; ne doit être imposée que lorsque c’est nécessaire, dans une société civile et démocratique, pour protéger les droits de tierces personnes, l’ordre public, la défense nationale, la santé publique ou la moralité publique; et que de telles restrictions doivent être proportionnées à l’objectif visé.
« Les autorités tunisiennes se doivent de faire toute la lumière sur les allégations de Jouini mais ce n’est pas en l’emprisonnant qu’elles y parviendront », a affirmé Eric Goldstein. « Au contraire, la manière dont les autorités l’ont traité pourrait bien donner davantage de crédibilité à ses allégations. »