J’allais au départ poster ce Post -Scriptum sur la base d’une synthèse d’une bien difficile année 2014 .Tout aller y passer : l’économie, la sécurité, la fiscalité, les sportifs du mont chaâmbi, les déambulations verbales de nos politiques, les dérives de la défunte pittoresque ANC, la croissance économique, le déficit courant…
Bref un zip de plus de 330 jours d’une vie aux côtés de nos compatriotes avec grandeur et décadence. Et puis, le hasard de la vie professionnelle (plutôt son rythme ô combien organisé) m’a mené du côté de nos frères marocains, sur les bords interminables des côtes casablancaises. Une sorte de communion entre plages étendues et l’éternelle « bent ennass » d’Abdelwaheb Doukkali, avouant, dans son chef-d’oeuvre musical, un amour aussi vaste que les plages étendues face à une dérisoire pauvreté d’un être à l’âme incommensurablement riche.
Il fallait zyeuter l’écume des vagues venant mourir sur le sable pour mesurer, peut-être, la portée réelle d’un verbe solidement accroché à la beauté d’une image. Cette beauté, et c’est peut-être le plus dur de l’histoire, ne s’arrêtait pas, malheureusement si j’ose avouer, à l’aérienne image des plages accueillant l’écume pour gagner, irrésistiblement, tout ce que mon regard pouvait embrasser.
Que mes frères marocains, à qui je souhaite toutes les merveilleuses choses du monde, m’excusent, mais la Tunisie
s’est essayée, bien avant eux, au tourisme, à la construction de barrages, à la création d’un tissu industriel, à la chasse à l’exportation, au textile, au football spectacle des Farzit, Hajri et les autres. Mais que reste-t-il à présent pourrais-je dire ? Qui est au pied du piédestal et qui en est bien éloigné ? Qui a travaillé pour s’y hisser et qui a tout fait pour s’éviter de suer développant, souvent très ingénieusement, les pires fourberies pour s’en éloigner ?
Le vrai dans toute l’histoire est quand, dans la douce matinée casablancaise, vous faites un peu attention aux gens qui vont au travail, vous saisissez immédiatement pourquoi le Maroc est devenu une terre d’accueil des IDE. La valeur travail est une seconde nature chez ce peuple qui nous ressemble pourtant beaucoup mais sur d’autres aspects, bien sûr.
Quelle que soit la fine bouche que l’on puisse faire sur le comportement jugé, à tort, souvent docile du Marocain, il est évident que ceux qui l’affirment sont ceux-là mêmes pour qui le travail est une simple punition quotidienne et que la vie est injuste si elle ne permet ni farniente ni prélassement tardif au lit matinal. Les yeux dans les vagues, l’esprit torturé, vous vous surprenez en pleine révolte contre vous-même et face à ce que nous faisons ou plutôt à ce que nous ne faisons pas, pour être comme tout peuple basant son évolution, ses espoirs, sur la valeur travail.
Mehdi Jomaa, qui a parlé dès son arrivée à la Casbah de la « valeur travail » a été écorché vif par les commentaires qui lui reprochaient son peu de clarté, oubliant que si tu n’arrives pas à intégrer rapidement les méfaits induits par l’absence fonctionnelle d’une valeur qui fait progresser toute l’humanité, tu es intellectuellement impénétrable et techniquement obsolète.
C’est par la faute de ce sentiment amer qui ne m’a plus quitté que j’ai failli perdre confiance. Mon Dieu, ils ne savent pas me suis-je souvent dit. Et puis comme un rayon de soleil, une sorte de révélation, un jackpot spirituel, j’ai vu un homme oublié par l’Histoire, par son peuple également, après avoir séjourné dans de sinistres « Damous » pour avoir fomenté une tentative de coup d’Etat, qu’il assume totalement jusqu’à aujourd’hui, cinquante ans plus tard, j’ai vu cet homme renaître des entrailles de sa maman. En sortir même grand, très grand car il a vécu sans haine et a gagné sans haine dans un monde pourtant très haineux. Il dira en substance : « Oui j’ai participé à ce coup d’Etat, c’était risqué, je l’ai payé et j’en veux à personne, même pas à Bourguiba ».
Cet homme du nom de Ali Bensalem s’est assis en ce jour radieux du 2 décembre 2014 sur le trône installé sous le dôme du palais du Bardo. Quel retournement de situation ? Quel revirement du temps ? Et si par le cru d’un très heureux hasard, dans une sorte de rupture temporelle, le Tunisien se remettait en ce 2 janvier de l’année désormais bénite 2015, sur les 180 degrés du changement, sur le le chemin du travail, coupant avec son comportement de cigale, au détour d’un retournement des choses aussi inimaginable que la rapport Damous-Palais ayant jalonné la vie de Ali Bensalem, et rejoignant, sur l’échelle de la valeur travail, ces petites gens qui s’empressaient au petit matin dans le tramway de Casablanca. Franchement, à voir ce qui est arrivé à Ali Bensalem, on se remet à croire à l’impossible.
A ce que ce peuple de onze millions d’habitants se remette enfin d’une cuite de quatre années presque. Même avec une gueule de bois, c’est toujours mieux de se réveiller et revisiter la valeur travail. Fol espoir qui nous rappelle, bien sûr, le retournement de la vie de Ali Bensalem mais aussi que le possible est toujours plus grand que le réel.