Le bras de fer a bel et bien commencé entre le Syndicat de l’enseignement secondaire et le ministère de l’Education. Et ce n’est plus par un préavis de grève. En effet, ce lundi 8 décembre marque le début d’une grève ouverte des enseignants, suite à la décision du ministère de procéder à un prélèvement sur les salaires de deux jours à cause d’une précédente grève.
D’ailleurs, le moment choisi pour lancer la grève ne laisse pas les parents et les élèves indifférents, puisqu’il s’agit du premier jour de la semaine bloquée. Ce timing a divisé les observateurs en deux catégories, les uns ont plaidé pour la liberté des enseignants de lutter pour des revendications légitimes, les autres ont estimé qu’ «une grève pareille démontre bel et bien la mentalité matérialiste du corps enseignant ».
Arrivé devant la porte principale du lycée de la rue de Marseille, en plein centre-ville de Tunis, le gardien refuse de nous ouvrir la porte et exige une autorisation signée par la direction régionale de l’Enseignement secondaire, afin de pouvoir parler au directeur et au corps enseignant, avant d’ajouter que ni les enseignants, ni le directeur ne sont disponibles. Face à ce refus, nous nous sommes dirigés vers les élèves, afin de recueillir leurs avis, puisque la grève se déroule lors d’une des semaines décisives de l’année scolaire.
Bavards et gais à la fois, un groupe d’élèves s’est installé près de la porte principale du lycée, avec classeurs et cartables. Leurs sourires et le vacarme qu’ils font ne riment pas avec la grève de leurs enseignants. Après une petite discussion, les élèves se précipitent pour se confier : « Oui cette grève est légitime et d’après les discussions que j’ai eues avec plusieurs élèves de différents établissements scolaires, je me suis rendu compte que les élèves qui soutiennent les enseignants sont nombreux », nous confie Ayoub, élève en 3ème année Economie gestion. « Il faut que les gens comprennent que la grève est légitime et que le choix de la semaine bloquée pour entamer cette grève ouverte est venu en dernier recours », avant de rappeler que les revendications des enseignants ne sont pas uniquement matérielles.
Plus pragmatique, attachée à ses cours, Asma Ayari donne l’impression d’être une élève studieuse et exemplaire. D’ailleurs, cette grève ne lui fait ni chaud ni froid. Elle s’inquiète seulement pour ses études et pour la semaine bloquée. « Face à cette grève je reste neutre et je ne veux même pas connaître les motivations. Je ne m’inquiète que pour mes études ». Répondant à notre question sur ses intentions si la grève persiste, elle a répondu qu’elle révise quotidiennement et qu’elle suit des cours particuliers tout au long de la période de la grève. A peine a-t-elle répondu à cette question que d’autres élèves viennent confirmer le même point de vue.
Appartenant à la même section, Refka prône le juste milieu. Pour elle la grève est un droit légitime, mais à quoi bon impliquer les élèves et la semaine bloquée dans les revendications des grévistes, s’interroge-t-elle? Avant de poursuivre : « Je pense que le problème est un problème de timing. Ils auraient dû choisir un autre jour pour faire la grève ».
Venu pour raccompagner son fils à la maison, un vieux cadre retraité de la CNRPS nous dit qu’il faut faire la part des choses : « C’est le ministère de tutelle qui a obligé les enseignants à agir de la sorte », soutient notre interlocuteur. « C’est vrai, ça ne m’enchante pas de voir que mon fils risque de passer la semaine bloquée à la maison et que les examens soient reportés à une date ultérieure. Cependant, j’essaie de comprendre ce qui se passe ». Notre interlocuteur pense aussi qu’il faut clore la période transitoire calmement et sans problème : « Malheureusement le gouvernement actuel a ignoré les accords conclus et les revendications », dit-il.
Aux alentours du lycée, nous rencontrons un autre parent d’élève. Après lui avoir posé la même question, il ne manque pas de se mettre en colère : « Je ne me rappelle pas que le corps enseignant a fait la grève pour la réforme de l’enseignement dans le pays, pour la révision des programmes officiels, pour éradiquer le phénomène des cours particuliers, ou pour introduire des activités culturelles permanentes dans les lycées. Ils sont matérialistes et ne s’intéressent qu’à leurs avantages ». L’inquiétude se lisait sur le visage de ce monsieur soucieux des conséquences de la grève et des solutions qui seront proposées pour sauver la semaine bloquée.
Il semble que le bras de fer va continuer entre un syndicat qui avance des revendications légitimes et un ministère qui campe sur sa position. Fethi Jaray, ministre de l’Education, a annoncé ce matin, sur les ondes radiophoniques, que le ministère est dans l’obligation d’appliquer la loi, tout en précisant que le prélèvement sur les salaires a été fait dans d’autres situations similaires.
En outre, il considère que la grève actuelle est en contradiction avec l’article 13 de la Fonction publique qui régit la grève. Cependant, il a informé que les discussions ont repris aujourd’hui au siège du ministère entre des représentants du ministère de l’Education, du ministère des Affaires sociales et des représentants de l’UGTT.
Affaire à suivre…