Rapprochement ou convergence, le choix consensuel du président du Parlement tunisien et des deux vice-présidents, le 4 décembre, a suscité des interrogations et des inquiétudes. Les trois formations Nidaa Tounes, l’UPT et Ennahdha devaient-elles sacrifier leurs discours fondateurs et transgresser la bipolarité idéologique qui divise l’électorat tunisien ? Rien ne rapproche, en effet, les visions d’avenir des partis civils avec Ennahdha. Ne doit-on pas tirer les leçons de la gestion de la Troïka, qui a privilégié le programme théocratique du parti dominant ?
Les observateurs ont évoqué un ensemble de programmes, dans le cadre d’une coopération stratégique. Ce package concernerait la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), la présidentielle et la formation d’un éventuel gouvernement commun. Nidaa Tounes, pouvait-il aller à l’encontre de l’élection d’Abdelfattah Mourou, comme vice-président, aux dépens de la candidate du Front Populaire ? Abdelfattah Mourou, qui a souvent oscillé, vis-à-vis de l’establishment de son parti, entre des phases de collaboration dévouées et des phases d’autonomie prononcées, suscite une certaine tolérance de la société civile. Mais il représente un choix idéologique. Au-delà des sentiments, les dirigeants semblent avoir évalué les coûts et bénéfices d’une telle association, fût-elle conjoncturelle et ponctuelle !
L’actualité devait d’ailleurs rétablir la réalité et dissiper les jugements hâtifs et les malentendus. Les dirigeants de Nidaa Tounes ont écarté tout projet de participation au pouvoir du parti Ennhahda. Leurs programmes modernistes pencheraient plutôt pour une convergence avec Afek Tounes, l’UPT, le Front Populaire et les néo-Destouriens. D’autre part, le mouvement d’Ennahdha a adopté la même attitude que lors du premier tour, à savoir « l’appel lancé à ses adhérents pour voter en faveur du candidat à la présidence qu’ils croient être le meilleur » (motion du Conseil de la Choura, 6 et 7 décembre 2014).
Ennahdha va-t-il respecter une véritable neutralité et remettre en cause son engagement effectif avec le président provisoire, lors du premier tour du scrutin présidentiel ? Peut-il ignorer les critiques de ce choix, par d’importants intellectuels de son parti, tels que Abou Yourib Al-Marzouki ? Peut-il annihiler l’atmosphère de concorde, entre lui et Nidaa Tounes, au parlement et prendre le risque d’une cohabitation qui mettrait en cause la stabilité du pays ? L’option du Front National en faveur du candidat Béji Caïd Essebsi, anticipée par une grande victime du terrorisme, permettrait de faire valoir les visions d’avenir sur les ententes conjoncturelles, sans lendemain.