Près de 25 ans après son apparition en Tunisie, le sida suscite toujours autant d’interrogations. Par manque de visibilité, par le poids des tabous, ou par simple désintérêt, l’épidémie du sida n’est pas suffisamment connue du grand public, notamment les changements qu’elle a subis, et encore moins les défis et les enjeux qui en découlent.
Le manque d’information transparaît dans les chiffres présentés, entre autres, dans le rapport d’activité sur la riposte au Sida-Tunisie, paru en avril 2014 : une enquête nationale, réalisée en 2012, auprès d’un échantillon représentatif de 2000 jeunes âgés entre 15 et 25 ans ( milieu urbain , rural , scolarisé ou non ), illustre à quel point cette maladie est méconnue parmi les jeunes.
L’enquête indique que le pourcentage des jeunes femmes et des jeunes hommes, dont l’âge se situe entre 15 à 24 ans, décrivant correctement les moyens de prévention de la transmission du VIH par voie sexuelle, et qui rejettent les fausses informations en rapport avec la transmission du VIH est en moyenne de 5,30%. Chez les jeunes de 15 à 19 ans le taux est de 4.07% tandis que chez les jeunes de 20 à 25 ans, il est de 6.49 %.
Même si la Tunisie est dans la catégorie des pays à faible prévalence de VIH (nombre de cas d’une maladie dans une population donnée sans distinction entre les cas nouveaux et anciens) avec 62 nouveaux cas enregistrés jusqu’à octobre 2014, elle ne suit pas la dynamique des autres pays du monde en matière de lutte contre le sida. Les régions du monde les plus touchées par l’épidémie ont réussi, en effet, à réduire leur taux de nouvelles infections à VIH et des décès tout en améliorant l’accès au traitement , contrairement aux pays de la région MENA dont fait partie la Tunisie, où l’épidémie ne régresse toujours pas. De même que la proportion des séropositifs qui s’ignorent n’est pas connue.
Pourtant, les efforts déployés pour encourager le dépistage à un stade précoce de l’infection par le VIH depuis quelques années se sont soldés par une baisse du nombre de cas détectés au stade de la maladie. La proportion de cas détectés dépassait le taux de 50% entre 1995 et 2000. Il est à près de 30% actuellement.
L’une des raisons est le fait que depuis 2007, le dépistage est devenu gratuit et anonyme, avec seulement un numéro en guise d’identifiant. Et cette mesure a bel et bien porté ses fruits. En effets, avec 25 centres de conseil et dépistage anonyme et volontaire à travers le pays, le nombre de tests VIH effectués chez les individus âgés de plus de 15 ans a augmenté de 36% entre 2012 et 2013.
Pourtant, si les efforts de lutte contre le sida ne sont pas poursuivis voire intensifiés, il est possible que l’épidémie se montre sous un autre aspect : le rapport du nombre d’hommes et de femmes touchés par le sida, auparavant estimé à 3 hommes pour une femme, a baissé à un rapport d’un homme pour une femme de 1986 à 2013, un fait qui montre qu’en Tunisie, le mode de transmission est surtout sexuel.
La balle est dans le camp de tous les acteurs en matière de santé, entre autres les autorités publiques, par la réforme des lois répressives et discriminatoires envers les populations les plus à risque ( utilisateurs de drogues injectables (UDI), hommes ayant des rapports sexuels entre eux (HSH) et les travailleuses du sexe (TS). Et pour cause, la lutte contre le sida passe surtout par l’encouragement à se faire dépister, la mise en confiance et le soutien des personnes atteintes.
Le mois consacré à la lutte contre le sida touche à sa fin, avec l’espoir que le nombre d’individus se sentant plus concernés par cette maladie, ait grandi, une maladie qui, contrairement à ce que l’on pense, n’arrive pas seulement qu’aux autres.