Le dernier scrutin législatif en Tunisie a placé un parti, Nidaa Tounes en l’occurrence, à la première place avec environ 40 % des sièges de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) dans l’escarcelle, secondé par un parti, d’obédience religieuse celui-ci, s’accaparant 31 % des sièges. Le reliquat a été, lui, remporté, pour près de trois quarts, par des partis centrés sur un modèle sociétal moderne, quoique parfois en désaccord entre eux, sur le modèle économique.
Face à cette petite mosaïque, il est évident que la gouvernance du pays se fera par alliance interposée. Et si celle-ci est, mathématiquement, incontournable, le choix des axes et des ententes futures pourrait nous réserver de grosses difficultés, voir de sérieux grincements. Ces difficultés ont, d’ailleurs, commencé avec en premier lieu, le nom du parti duquel sortira le nom du Premier Ministre. Question à vrai dire incompréhensible pour un parti ayant livré et gagné une bataille électorale dans un but d’exercer le pouvoir. Aussi, si Nida Tounes a remporté le scrutin de novembre dernier, c’est qu’il doit, tout naturellement, être appelé à gouverner.
Certains grands esprits continuent, toutefois, à parler d’équilibre politique en citant des noms de premiers ministrables provenant de partis au statut de possible allié dans des alliances à monter encore ( !). Comme si en France, le Parti Socialiste nommait un « vert » au poste de Premier Ministre ou encore Sarkozy donnait, en son temps, la présidence du gouvernement à un centriste ou à quelqu’un d’un bord politique différent de celui de l’UMP, qui contrôlait partiellement, tout comme Nidaa Tounes, l’Assemblée. Un non-sens politique qui ne peut toujours s’expliquer par l’exception tunisienne. Nidaa Tounes doit prendre ses responsabilités et ne pas verser dans le populisme et l’amateurisme. Celui qui est appelé à diriger la politique du nouveau gouvernement doit, bel et bien, être issu de ses rangs.
Certes, un programme d’alliance est à mettre en place et des personnalités, de tous bords mais partageant le même socle culturel moderniste, avec en sus, et j’allais dire surtout, une compétence avérée, doivent figurer dans ce gouvernement. L’ouverture de Nidaa Tounes sur les autres partis devra se faire d’une manière sans ambages mais le top, le la, le trend du gouvernement devra être insufflé par une personnalité du parti ou proche du parti pour, qu’à l’issue d’une réussite ou, malheureusement, d’un échec, chacun pourrait tirer clairement les conclusions adéquates sur les capacités de gouvernance et de changer le cours des événements du vainqueur.
Le Front Populaire a plus sanctionné BCE que Marzouki !
Deuxième point d’achoppement entendu ces derniers temps, provient, comme à l’accoutumée, du Front Populaire. Un front qui a reporté pour moitié ses voix, exprimées dans les urnes du 21 décembre dernier, sur le candidat Béji Caid Essebsi et pour moitié sur son opposant, grâce à une communication que seuls les caciques du Front Populaire peuvent réellement comprendre. Une position qui fait que ceux qui ne sont pas allés voter ont, de toute façon, privilégié le candidat Moncef Marzouki en ne votant pas contre lui. Comment peut-on barrer la route à quelqu’un en n’allant pas voter contre lui ? Si quelqu’un peut donner une réponse cartésienne à cette question, prière m’en informer. Mathématiquement le Front Populaire a plus sanctionné BCE que Moncef Marzouki, contrairement à ce que déclaraient leurs deux communiqués du Front entre les deux tours et un de ses dirigeants sur les chaînes de télévision au soir du 21 décembre dernier.
Le Front Populaire continue donc son discours toujours à contrepied, en mettant l’accent sur la nécessité de sortir Benjeddou du Ministère de l’Intérieur avant toute chose. Ainsi, avant de penser au nom du prochain Premier Ministre, avant de penser à sauver ce pays, à se pencher sur ses problèmes profonds, sur les menaces du projet « d’islamisation », sur la croissance qui ne vient pas, les dirigeants de Nidaa Tounes et de l’Alliance qui ne s’est pas encore faite ( il faut le préciser) devront suivre les propos du Front Populaire sur la priorité du cas Benjeddou ( ?). L’esprit des « A.G » interminables des facultés tunisiennes dans les années soixante-dix et début quatre-vingt n’est pas près de céder. A priori, les cheveux gris n’ont pas eu d’effet sur la maturation des esprits. Cela viendra, peut-être, un jour.