A présent, après la victoire de Béji Caïd Essebsi, le camp des progressistes dispose de la totalité des leviers de l’exécutif. Le nouveau Président doit sans tarder nommer le Premier ministre. Urgentissime! La situation économique, sociale et sécuritaire ne peut supporter davantage d’apathie, d’indolence et d’inertie. Les élections législatives ont eu lieu voilà déjà deux mois ; il convient donc de se lancer dans l’arène de la gouvernance ; une arène politique par excellence, pleine de sable mouvementé.
La Tunisie aujourd’hui a besoin plus que jamais d’une union sacrée, sans faille, même si la victoire a choisi Nidaa Tounes. Nous avons besoin en effet de cette union pour mener à bien notre cheminement démocratique. Les erreurs du passé devraient être évitées et les leçons tirés du fiasco de la troïka : Gouvernement à 86 ministres et secrétaires d’Etat alors même que le gouvernement japonais, troisième puissance mondiale avec 8,4% du PIB mondial après les Etats-Unis et la Chine avec respectivement 20,6% et 10,4%, n’est composé que de 18 ministres. Le gouvernement présidé par Mehdi Jomâa était une expérience bien réussie dont il faut peut-être s’inspirer.
Les nominations partisanes qui visent en premier lieu les intérêts des partis, indépendamment des compétences et des aptitudes des personnes, doivent laisser place à l’intérêt général et aux profils des candidats en fonction des exigences en capacités des postes à pourvoir.
1/ De l’exigence du « politique« et de l’« économique« …
La composition du prochain gouvernement doit être à la fois politique et économique. Elle doit en effet chercher, impérativement et en urgence, à répondre à deux soucis fondamentaux :
- La cohésion politique: Clé de voûte pour surmonter les différents clivages idéologiques et les dogmes doctrinaux qui sclérosent encore notre processus révolutionnaire et minent notre évolution sociétale en termes de valeurs et organisations institutionnelles futures. On ne peut négliger par un coup de revers une frange de la population qui concentre près de 80 sièges au sein de l’ARP! Aucune fraction ne peut être exclue ; à l’exception évidemment des extrémistes, obscurantistes et fondamentalistes dont les idées et les méthodes sont nauséabondes !
Les retombées politiques d’une telle mésaventure pourraient être désastreuses pour l’acheminement de ce processus (transition) démocratique. Le risque de radicalisation des plus modérés de nos concitoyens conservateurs est réel ! Ils sèmeront sans doute la zizanie dans la poursuite de notre transition démocratique et nous risqueront de renouer avec les méthodes de l’ancien régime.
Il est donc important politiquement que la bipolarisation qui domine le paysage politique aujourd’hui soit présente dans les grandes décisions qui engagent la destinée de notre nation !
- Le rétablissement de la confiance dans les perspectives économiques: Il est urgent et vital de tracer une ligne claire en termes de politiques économiques (conjoncturelle et structurelle) pour rassurer les marchés, les investisseurs et surtout calmer la grogne sociale à propos de la question fondamentale à savoir, l’emploi.
Le manque de réponse à cette problématique, qui était -devrons-nous le rappeler- à l’origine de notre révolution gangrène encore notre cohésion sociale et territoriale. Le chapitre de l’emploi est à même de faire « sauter » plusieurs autres gouvernements !
Dans notre société capitaliste qui se caractérise par la montée du salariat, le travail est devenu le principal facteur d’intégration sociale. Il est le moyen de substance : Il pourvoit un statut, une protection sociale ; il est source d’épanouissement personnel et d’expression de soi.
2/ …A l’architecture du futur gouvernement :
La tête de l’exécutif doit être une personnalité politique, par excellence : censuelle, fédératrice jouissant d’un passé sans équivoque. Lord Acton (homme politique et historien britannique, 1834 – 1902) disait, en substance : «Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais».
Monsieur Taëb Baccouche, nous semble la personne la plus à même à conduire le futur gouvernement. Ancien idéologue de l’UGTT, Docteur et professeur agrégé d’Arabe sa moralité et son penchant naturel pour le dialogue social font l’unanimité. Il est l’homme du consensus qui saura fédérer tous les Tunisiens indépendamment de leur appartenance idéologique et doctrinale.
Aux côtés de monsieur Taëb Baccouche, il faudrait une équipe très restreinte de personnes particulièrement compétentes et expérimentées qui sachent rester fidèle au chef d’orchestre aux moments d’hésitation et de doute : Ô combien, ces moments seront nombreux !
L’organisation des ministères doit se faire sur la base des complémentarités possibles entre les différents départements pour d’une part, stimuler et aiguiller des dynamiques anciennes et, d’autre part, créer et impulser des synergies nouvelles. Afin qu’une telle organisation institutionnelle puisse fonctionner correctement et efficacement elle doit être accompagnée impérativement d’une volonté réelle de « déconcentration du pouvoir »
Ainsi, on peut envisager, par exemple, la création aux côtés des ministères classiques tels que le ministère de la justice, de la défense, de l’intérieur ou encore des affaires étrangères, de grands pôles ministériels ; ceci est d’une importance capital à nos yeux :
- Ministère de l’économie, des finances, de la fonction publique, en charge des réformes administratives de l’Etat;
- Ministère de l’industrie, du commerce, de l’emploi et de la formation professionnelle ;
- Ministère de l’agriculture, de la pêche, de l’environnement et de la propriété foncière de l’Etat ;
- Ministère des transports, des infrastructures, de l’aménagement du territoire, de la communication et du tourisme;
- Ministère de l’éducation nationale, de la culture, des sports, de l’enseignement supérieur, et de la recherche scientifique ;
- Ministère de la santé, de la sécurité sociale, des affaires familiales, en charge de la prévention contre les risques.
Telle est l’architecture, à notre sens, des principaux ministères qui devraient composer le futur gouvernement. Une telle organisation est la plus à même, comme nous l’avons souligné plus haut, à stimuler des complémentarités anciennes et à créer des synergies nouvelles entre les différents départements d’Etat. Ainsi, l’industrie et le commerce, avec plus de la moitié de la population active, ne sont-ils pas les deux premiers secteurs pourvoyeurs d’emploi en Tunisie ? Ne devraient-ils pas, par conséquent prendre directement en charge la question de l’emploi pour en améliorer l’adéquation avec les besoins de l’appareil productif ? Ou encore, la question de la préservation de l’environnement, désormais cruciale, n’incombe-t-elle pas en large mesure aux autorités qui sont en charges de la gestion du secteur agricole, de la pêche, des forêts et de la propriété foncière de l’Etat ? Etc.
Nous pouvons imaginer d’autres organisations ministérielles avec des aménagements différents ; l’essentiel réside dans le regroupement et le rapprochement des complémentarités pour stimuler la créativité, créer des synergies nouvelles et éviter ainsi les dysfonctionnements bureaucratiques qui sont dus principalement d’une part, aux parcellisations – atomisations- excessives des départements et des fonctions et, d’autre part, à une concentration outrancière des pouvoirs.