Un 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant âgé de 26 ans, qui s’est immolé par le feu devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid (centre), devient alors le symbole de la résistance. Et ce n’est qu’à ce moment là que des émeutes éclatent dans plusieurs gouvernorats. Près d’un mois après, le 14 janvier 2011 fut le coup d’envoi de la révolution tunisienne baptisée « La Révolution du jasmin » qui a conduit à la fuite de Ben Ali. Ce soulèvement a provoqué environ 300 morts et 700 blessés. Quel bilan peut-on en faire quatre ans après ? La Tunisie est-elle réellement engagée dans la voie de la démocratie ?
Le 23 octobre 2011, le premier scrutin libre de l’histoire du pays remet le pouvoir entre les mains du parti Ennahdha avec près de 40% des voix exprimées et 89 sièges sur 217 au Parlement. Désormais, le parti vainqueur tient les rênes du pays à l’exception des prérogatives du président de la République qui ont été, en l’occurrence, restreintes.
L’année 2012 fut marquée par plusieurs affrontements et actes de violence. Rappelons les affrontements entre les syndicalistes et les partisans de la Ligue de protection de la révolution (LPR), devant le siège de l’UGTT (l’Union générale tunisienne des travailleurs), et ce, à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du leader national, Farhat Hached, le 4 décembre 2012. Trois mois plus tard, le 6 février 2013, Chokri Belaïd, figure centrale de l’opposition et fervent défenseur de la cause sociale et de la Gauche , est assassiné. A six mois d’intervalle, une autre immense perte pour la Tunisie, un autre meurtre a eu lieu. Il s’agit de Mohamed Brahmi, tué par balles devant son domicile, connu pour ses critiques envers le gouvernement.
A part les personnalités politiques visées, les militaires ainsi que les forces de l’ordre n’étaient pas non plus épargnés. Depuis le mois de décembre 2012, une multiplication d’attaques ont pris pour cibles les soldats, faisant pas moins de 14 militaires tués, et 20 blessés dans la zone militaire fermée de Chaambi, près de la frontière avec l’Algérie. Le bilan le plus lourd a été enregistré le 17 juillet 2014, peu avant la rupture du jeûne. Le 29 juillet juillet 2013, 8 militaires périssent dans la plus grave attaque contre l’Armée nationale depuis la révolution de 2011.
Après l’assassinat de M. Brahmi, des milliers de Tunisiens, excédés, se sont exprimés en manifestant dans la capitale pour exiger le départ de la Troika, dirigée par le mouvement Ennahdha, où des manifestants, des syndicalistes, des partis ont défilé à l’Avenue Habib Bourguiba, le 25 juillet 2013.
Un tournant important dans l’histoire du pays : deux ans après la Révolution, le climat général est de plus en plus pernicieux. Les faiblesses pointées du doigt suite à certains graves épisodes ont contraint à la démission le chef du gouvernement Hamadi Jebali et celle de son successeur Ali Laâreyedh. Pour sortir de l’impasse, l’UGTT, l’Utica, la Ligue des Droits de l’Homme ainsi que l’Ordre des avocats, réunis en quartet, ont mis en place une feuille de route prévoyant l’instauration d’un gouvernement de compétences indépendantes : au mois de septembre 2013, après moult discussions et tergiversations, le choix s’est porté sur Mehdi Jomâa comme Chef du nouveau Gouvernement avec pour mission, principalement, de sortir la Tunise de sa profonde crise politique, assurer le processus de transition démocratique et la conduire vers des élections libres et transparentes.
Pari relevé. Deuxième élection libre depuis la révolution de 2011 : comme prévu, le 26 octobre 2014 les Tunisiens se rendent aux urnes pour les élections législatives donnant la victoire à un parti laïc, selon les médias étrangers, en l’occurrence le parti Nida Tounès, de récente création (6 juillet 2012), pour les cinq prochaines années. Le parti vainqueur rafle 86 sièges au Parlement tandis qu’Ennahdha, qui reste la deuxième force politique du pays, obtient 69 sièges.
Il reste cependant une dernière étape : les élections présidentielles. Ils étaient 27 candidats en lice pour le Palais de Carthage, et cinq se sont retirés de la course. Le 23 novembre 2014, les Tunisiens élisent leur président au second tour. Ils ne sont plus que deux à briguer la magistrature suprême : Béji Caïed Essebsi, 89 ans, homme politique et avocat tunisien et le président sortant, et défenseur des droits de l’Homme, Mohamed Moncef Marzouki.
Avec plus de 1.7 million de voix récoltées, BCE a battu son rival obtenant 55.68 % de suffrages exprimés contre 44.33% pour ce dernier. Les Tunisiens sont ravis et fiers, habitués qu’ils étaient, pendant de longues années, à cautionner la farce des 99.99 % en faveur de Ben Ali, voilà que la donne pourrait bel et bien changer.