La seconde République tunisienne, qui clôt avec succès la conjoncture de la transition démocratique, annonce l’engagement du pays dans un processus de redressement, de salut et de renaissance. Les attentes des acteurs de la révolution tunisienne sont désormais à l’ordre du jour. Elles ne peuvent plus être différées. D’ailleurs, le nouveau président, Béji Caïd Essebsi, s’est engagé à les satisfaire, en accord, bien entendu, avec le gouvernement et le parlement. La dramaturgie de l’identité passéiste avait occulté les problèmes de l’heure, les exigences du « panier de la ménagère », l’engagement d’une politique de développement et de relance de l’économie. Or, « le politique, en démocratie, est un démineur. Si c’est une explosion que l’on risque, cela donne de la noblesse au déminage » (Jean-Pierre Mignar, « Toute politique a besoin d’une mystique» » in L’express, 17 décembre 2014). Ce diagnostic fait valoir que la révolution tunisienne a mis à l’ordre du jour un noble déminage. Il ouvre des dossiers de réformes et de mises à jour.
Un nouveau cycle de notre histoire est donc ouvert. Nous vivons le temps de l’économie. L’appel aux compétences, aux économistes chevronnés était donc nécessaire. Le choix du chef du gouvernement par le président Béji Caïd Essebsi et le parti Nida Tounes s’est porté sur Habib Essid qui a été plus d’une fois aux responsabilités gouvernementales s’attirant à chaque fois, là où il fut, respect et considération.
Economiste de formation il est de surcroît rompu aux complexités des questions agraires comme peuvent l’être les doctorants de prestigieuses universités américaines. Il intégra à son retour des USA le ministère de l’Agriculture où il a pu se distinguer, aux divers échelons, dans la réflexion et dans l’action. Il aimait pratiquer le terrain tout autant qu’il s’appliquait dans les cabinets ministériels et dans les instances mondiales, plus précisément à Madrid à la tête du Conseil oléicole international. L’enfant du Sahel – il est né à Sousse – s’est pleinement investi aux confins du désert à Gafsa dont il était pendant plusieurs années en charge du développement agricole avant de remonter à Bizerte pour promouvoir les activités agricoles dans la région.
De par sa formation, son expérience, ses qualités humaines, sa disponibilité, ses capacités d’écoute et sa force de caractère – dont on ne parle pas assez -, le nouveau Chef du Gouvernement paraît répondre aux exigences de l’heure, à savoir les attentes des citoyens.
Ne perdons pas de vue que l’économie n’est pas « une science neutre, qui permet d’évaluer les comportements humains et les choix effectués par les sociétés ». Il est donc nécessaire de « fixer les limites morales du marché ». Notons, d’autre part, que la donne tunisienne exige une vision globale de l’économie, ne se limitant pas aux enjeux agricoles.
Habib Essid, parfait trilingue, est tout a fait armé, conceptuellement et professionellement, pour s’inscrire dans cette vision globale. Fût-il indépendant, le nouveau Chef du Gouvernement est appelé à assumer les options socioéconomiques du parti victorieux. Il doit traduire dans les faits les programmes qu’il a identifiés. De ce point de vue, la collaboration entre les deux chefs du pouvoir exécutif est nécessaire. L’élection tunisienne a écarté la formule de la cohabitation.
La lutte contre le terrorisme – et la nécessité d’établir un environnement de sécurité – constitue un argument important et structurant. Le choix du Président de la République, de son ancien ministre de l’Intérieur, quand Béji Caïd Essebsi était en charge du deuxième gouvernement de transition, fait valoir cette exigence. Ainsi consitué, le nouveau pouvoir exécutif doit répondre aux défis. La décision politique que la conjoncture requiert est bel et bien une affaire de volonté et de convictions.