Lors de sa campagne électorale, Nidaa Tounes a défendu son programme de sauvetage du pays, après la gestion des gouvernements de la troïka et les tentatives d’application d’un programme théocratique. Délaissant le drapeau national pour un emblème jihadiste, certains acteurs ont privilégié l’appartenance à un califat mythique (le sixième califat) à l’Etat nation. Inaugurant sa campagne présidentielle, du mausolée de Habib Bourguiba, Béji Caïd Essebsi a rappelé et fait valoir le message du leader de la Tunisie: modernité, égalité de genre, émancipation globale et ouverture de l’horizon. D’autre part, la formation populaire des composantes de « l’Union Nationale » faisait valoir l’intervention de l’Etat pour assurer un développement économique et social, ayant l’ambition de relever le niveau général et de mettre en échec la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation.
La victoire aux élections présidentielles et parlementaires de Nidaa Tounes et de son leader, devait assurer le passage à l’acte, la réponse aux attentes politiques et sociales des électeurs. Le rétablissement de l’autorité de l’Etat est la condition sine qua non de la sécurité et de la stabilité. Il faudrait assurer le plus tôt possible le passage de l’ordre libertaire, à l’institution de la gouvernance démocratique. D’autre part, il doit, bien entendu, appliquer la feuille de route du parti qui l’a choisi. Le versant social du programme électoral ne saurait être éclipsé par une obsession libérale. Les résultats économiques et sociaux se sont fait attendre sous la troïka et le gouvernement Mehdi Jomaa. Il faut rétablir la priorité du pouvoir d’achat et du panier de la ménagère (discours de Béji Caïd Essebsi, lors de la campagne électorale). De ce point de vue, Nidaa Tounes doit se concerter avec l’organisation syndicale ouvrière et celle des employeurs, pour étudier ensemble les revendications et faire face aux défis socioéconomiques. Un dialogue responsable permettrait d’inscrire les attentes sociales dans une lecture commune des exigences budgétaires. Le renoncement social est hors de question. Ne perdons pas de vue les risques d’explosion sociale, des acteurs désespérés et une éventuelle redynamisation de la contestation, par ceux qui affirment que la révolution tunisienne est inachevée.
Peut-être faudrait-il restaurer les alliances de la soft revolution de l’été 2013. « Une participation de tous au gouvernement, signifierait que la reconquête de la modernité, de l’égalité homme/femme et de l’émancipation générale est mal partie », affirmait un militant de Nidaa Tounes. Les libéraux savent que le couple Nidaa / Front Populaire est incontournable. Nidaa rêve d’un partenaire fiable et en tout cas plus compréhensif des enjeux : la pensée économique libérale qui domine le débat, chez Nidaa, et une vision plus socialisante chez le Front Populaire. Cette divergence contribue à une « désintégration du dialogue ». Ne faudrait-il pas rapprocher les points de vue, dans le cadre de la bipolarité idéologique dominante ? Nidaa et le Front sont en quête d’un « new deal », malgré de profondes divergences. L’écoute des citoyens doit favoriser cette préférence. Conclusion d’un observateur : « Il ne faut pas regarder ailleurs et occulter les demandes des citoyens et leur rappel des enjeux des élections« .