Fin du suspense qui s’est prolongé depuis les élections parlementaires (26 octobre 2014) et présidentielles (21décembre 2014), le remaniement ministériel a eu lieu. Il constitue le parachèvement de l’édifice, qui couronne la transition tunisienne. Après quatre ans d’épreuves, qui ont différé la satisfaction des attentes de la révolution, le citoyen souhaite le passage à l’acte, dans les plus brefs délais possibles. Or, la conjoncture du remaniement espéré a été marquée par la multiplication de grèves et de sit-in, qui ont bloqué la gestion gouvernementale. L’attente d’une reprise de la dynamique a été entachée par une montée des périls, alors que l’économie est sinistrée, que le chômage aliène la jeunesse et que l’insécurité suscite l’inquiétude.
Dans notre ère de surmédiatisation, confortée par le paroxysme des réseaux sociaux, l’information-flux et les nouvelles instantanées étaient focalisées sur les entretiens relatifs au remaniement ministériel. Fin de partie et transgression du marchandage entre les acteurs – une guerre de positions non déclarée -, Habib Essid vient d’annoncer la formation de son gouvernement. Il a cru devoir écarter cette source de différends, sinon la bipolarité dominante, par une restructuration du gouvernement, qui accorde aux partis de l’alliance (Nidaa Tounes et l’UPL) un nombre limité de ministères. Ce qui a permis de rassembler des capacités dans les domaines prioritaires. Il a opté pour une formation restreinte (24 ministes et 14 secrétaires d’Etat), qui semble plus appropriée pour travailler dans l’entente et limiter les dépenses dans cette conjoncture d’endettement.
Outre les personnalités politiques issues de Nidaa Tounes et en premier son Secrétaire Général Taieb Baccouche et de quelques militants de la société civile, le nouveau gouvernement est formé essentiellement de compétences administratives et économiques et d’hommes d’affaires. Notons que les ministères de souveraineté (Justice et Intérieur) ont été confiés à des magistrats indépendants. Prise en compte de la question des martyrs de la révolution, la sœur du martyr Socrate Cherni, Majdouline Cherni, a été nommée secrétaire d’Etat, chargée des dossiers des martyrs et blessés de la Révolution. Faisant valoir le rôle de la femme tunisienne, 3 ministères (Emploi, Culture et Femme) et 6 secrétaires d’Etat lui ont été confiés. La discrimination positive reste certes modeste et symbolique mais elle annonce une volonté de réajustement de la situation.
Comment interpréter cette option technocratique qui privilégie les compétences indépendantes ? Or, la gestion politique n’est jamais neutre, en dépit d’une prise de distance pragmatique de l’idéologie. D’ailleurs, les attentes sociales font valoir des options politiques et sociales sur les mécanismes de décision. D’une certaine façon, le nouveau gouvernement est un remake du gouvernement Jomaa, conforté par une présence politique évidente de Nidaa Tounes. Le nouveau gouvernement doit convaincre et s’imposer par ses réalisations et ses réussites. Peut-il bénéficier du soutien de la majorité parlementaire en dépit de son non-alignement sur les partis de l’alliance virtuelle et de l’opposition ?
Ne perdons pas de vue, d’autre part, que les programmes des partis politiques et les priorités qu’ils avancent, suscitent davantage l’intérêt du citoyen. Comment répondre à ses attentes ? Quel est le timing des réalisations ? Mais aussi, quels sont les sacrifices qu’on lui demande, dans cette conjoncture de redressement global ?