Alors que les principales Banques centrales occidentales ont laissé grandes ouvertes les vannes de liquidité pour entamer leur politique de Quantitative easing (assouplissement quantitatif) et booster les marché obligataires, la Tunisie fait son come-back sur les marchés de capitaux internationaux avec une sortie réussie sur le marché obligataire en dollars.
La BCT, aidée par les meilleures banques d’investissement de la place, a réussi à engranger un Milliard de dollars pour une maturité de dix ans et avec un taux initial de 5.875%. L’engouement des investisseurs était tel que la transaction était souscrite largement en excès et le rendement s’est notablement amélioré sur le marché secondaire pour se stabiliser à 5.5%.
Après plus de sept ans d’absence, la Tunisie renoue avec le marché yankee des obligations en dollar. Le moment était on ne peut plus opportun car l’achèvement de la période provisoire et l’aboutissement réussi du processus de transition politique coïncidaient avec un environnement très clément pour les marchés du crédit. En effet, les taux d’intérêt sans risque, c’est-à-dire la base sur laquelle sont évaluées toutes les émissions, sont au plus bas pour les marchés Euro et dollar grâce aux politiques largement accommodantes des Banques centrales.
L’action toute récente de la Banque centrale européenne pour racheter des titres de dettes européennes spécifiques en augmentant la taille de son bilan avait pour but de doper les marchés du crédit en poussant les rendements vers le bas avec comme but ultime un déploiement des ressources dans l’économie réelle. Ce processus crée un marché très porteur et un engouement pour les nouvelles émissions euro mais aussi dollar par contagion positive.
Le timing était on ne peut plus propice et l’obligation tunisienne se devait d’être très bien reçue par les investisseurs. La BCT a finalement opté pour un milliard de dollars et le coupon final s’est finalement établi à 5.75% impliquant un rendement à 5.875% car la note s’est vendue à 99 au lieu de 100. Un petit subterfuge qu’utilise les émetteurs pour afficher un coupon bas tout en payant un rendement un peu plus élevé aux investisseurs. Le papier tunisien a vite performé sur le marché secondaire et le rendement s’est stabilisé à 5.5%, ce qui laisse un goût de manque à gagner mais le prix payé reste très raisonnable et même historiquement bas (voir encadré).
Si la marge de crédit tunisien peut encore s ‘améliorer, les taux obligataires américains sont voués à une hausse dès que la Banque fédérale resserre sa politique monétaire et commence à augmenter les taux courts. C’était donc sage de prendre ce taux avec une taille importante.
Certes, la Tunisie cherche aujourd’hui à capitaliser sur un processus démocratique jusque-là réussi mais c’est surtout sa crédibilité et sa discipline budgétaire qui lui ont permis de revenir si tôt sur les marchés sans trembler. En dépit des dégradations de notation, des tensions sociales et la persistance d’un double déficit chronique, le pays a été intraitable sur sa gestion de la dette et des intérêts.
Avec cette nouvelle émission viennent aussi des responsabilités. D’abord celle de s’attaquer au double déficit budgétaire et commercial. C’est ce double déficit qui est réellement odieux, la solution ne passe pas forcément par l’austérité car d’abord c’est la couverture fiscale qui doit être améliorée et à défaut d’austérité, essayons au moins de calmer les dépenses le temps de sortir de cet engrenage. La deuxième responsabilité incombe aux élites politiques et sociétales. Gouvernants et opposants auront la responsabilité de maintenir un débat responsable sur ce sujet de l’endettement. Nous avons besoin de ressources externes pour le moment et notre stock de dettes, aussi important soit-il, est soutenable et reste toujours dans le domaine du gérable constituant 50 % du PIB. Face aux Grecs et leurs dettes à 175% du PIB, on est plutôt du côté bon élève. On verra d’ailleurs, dans un avenir très proche, que les nouveaux gouvernants grecs de Syriza, en dépit d’une campagne basée sur l’effacement de la dette européenne, assoupliront leur position.
Ce retour sur le marché obligataire international devrait amorcer une amélioration de l’image de la Tunisie sur les marchés extérieurs mais devrait aussi servir de catalyseur pour développer encore plus le marché intérieur de la dette tant à l’émission qu’au niveau de la liquidité sur le marché secondaire. L’Etat devrait être un émetteur fréquent sur différentes maturités pour construire une courbe des taux efficiente et dynamiser en même temps le marché bancaire. Ce sera une étape nécessaire voire édifiante dans le processus de restructuration du secteur bancaire. Si l’on veut avoir la moindre ambition pour créer une place financière régionale, cette étape sera indispensable.