« 7 Vies ». Les nostalgiques de Ben Ali refont surface à travers ce documentaire intitulé “ 7 Vies”, qui fait référence au symbole du 7 novembre 1987 et explore la relation ambiguë des Tunisiens avec la période dictatoriale. Rencontré lors de la projection du documentaire au siège de l’Instance Vérité et Dignité, le co-réalisateur Amine Boufaied nous révèle comment lui est venue l’idée du film .
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Amine Boufaeid est un jeune réalisateur. Après l’obtention d’un diplôme en sciences et technologies du design, il a commencé à travailler en tant qu’indépendant dans le monde du cinéma : monteur, photographe, cadreur, auto-rédacteur.
Après cette expérience personnelle du terrain, il s’est orienté vers la réalisation, où il a commencé avec des petits spots et des films institutionnels. Sa rencontre avec la journaliste franco-tunisienne Lilia Blaise, aussi coréalisatrice de « 7Vies », lui a donné envie de réaliser ce long-métrage.
leconomistemaghrebin.com : Comment l’idée vous est venue de réaliser ce documentaire?
Amine Boufaeid : à la suite d’une frustration, un sentiment de frustration face à un retour de l’ancien régime et qui s’exprime par une nostalgie qui n’est plus taboue. Aujourd hui on peut monter dans un taxi, parler avec le chauffeur qui nous parle du temps de Ben Ali, où tout allait mieux selon lui, ou ailleurs dans le métro par exemple. Cette frustration là, nous a donné l’envie de comprendre pourquoi il leur manque tant.
-A travers les témoignages, en leur posant la question, que vous ont-ils répondu ?
Les nostalgiques, oui. On a posé la question à tous les interviewés, les réponses ont été les mêmes : le Tunisien lambda aspire avant tout à un logement décent, un emploi, manger à sa faim… toutes choses qui semblaient assurées du temps de Ben Ali. A présent tout es incertain : sur le plan sécuritaire, économique, social, aucune évolution ni de changement.
Les spécialistes de la question, qui sont contre cette nostalgie et qui parfois compatissent avec les nostalgiques, trouvent que leur sentiment est légitime. Et pourtant l’ancien régime durant 23 ans a détruit la jeunesse, dénigré toute réflexion, tout sens de la critique. Et aujourd’hui beaucoup de Tunisiens n’arrivent pas à constater ces faits. Nous avons en ce moment des problèmes économiques, sociaux, ect.. et qui en est responsable ? Le régime de Ben Ali ?
-Peut-on se débarrasser de la dictature quatre ans après la révolution ?
Je pense que non, il faut un travail de mémoire et surtout un travail sur ce que c’était la dictature, avant et ce qu’elle a causé au pays. Sur le plan politique, je pense qu’on s’est débarrassé de la dictature, du moment qu’on est arrivé à ce stade, avec deux fois des élections libres, une nouvelle Constitution, la création de l’IVD…
Ce sont les vieux réflexes de l’Etat, des administrations, des institutions qui restent encore , mais ça finira par disparaître. Cela se comprend qu’il faudrait un travail de réforme, qui ne peut être assuré qu’avec la volonté politique.
-Mais l’imaginaire de la “Dictature” qui est sous contrôle, qu’en pensez-vous ?
Mais en ce qui concerne l’ imaginaire de la dictature il est toujours présent dans l’esprit des gens que ce soit chez les victimes de la dictature ou les gens qui en ont profité. Il y a toujours les mêmes réflexes qui persistent : le chauffeur grille un feu, il glisse un billet de 10 ou 20 dinars à l’agent de police et c’etait pareil avant il y a des gens qui ont peur de dénoncer les agissements de la police. Et ce’est pourquoi j’encourage de dénoncer toutes pratiques qu’elles soient sous le règne de Ben Ali ou maintenant.
-A travers ce documentaire, quel message avez-vous voulu faire passer ?
Quand on a commencé l’écriture du scenario, on ne savait pas trop quel message on voulait faire passer, on voulait juste faire un film pourquoi Ben Ali manque à certaines gens?
Après les témoignages qu’on a eus du moment qu’il n’ y a pas encore une justice transitionnelle et les personnes qui ont collaboré avec l’ancien régime ne se sont pas, à ce jour, excusés auprès de leurs victimes, des procès publics, n’ont pas eu lieu. Et jamais sans cette justice la Tunisie ne tournera la page et ne passera vraiment à une nouvelle ère. C’est le message qu’on avait voulu faire passer.
Cela dit, il faut insister pour poursuivre le processus de transition démocratique.On a voulu avec ce film non pas donner des leçons mais juste susciter le débat sur ce phénomène. Le problème serait le retour de l’ancien régime et c’est pour cela qu’on doit lutter pour ceux qui ont ce genre de visées.