Au-delà de son charme, sa symbolique, son aspect identitaire et sa diversité, l’artisanat tunisien ne vit pas une période glorieuse. Loin de là, ce secteur connaît une crise. Pourtant à se promener dans les ruelles de la Médina de Tunis, on découvre toujours les artisans qui continuent à perfectionner leur art et à le présenter aux touristes ou aux Tunisiens; ce qui nous prouve que ce secteur tient encore malgré tout debout … Cependant les témoignages que nous avons recueillis des artisans affirment bel et bien qu’il reste beaucoup à faire. L’artisanat tunisien : un rêve d’antan qui agonise ou un chantier nécessitant une réforme en profondeur ? En marge de l’événement Histoire d’artisans organisé par l’ASM, la question nous a interpellés, notamment puisqu’on fête actuellement les journées de l’artisanat.
Peut-être que les flâneurs dans la Médina de Tunis, qui pressent le pas en passant par les ruelles, ne savent pas qu’à un certain moment la Médina abritait des artisans de diverses spécialités . En tout, la Médina compte 17 souks.
Métier de Chaouachi: long est le chemin…
En solitaire, nous nous promenons dans la Médina : direction Souk Ech-Chaouachine. Cet espace jadis qui contenait plus de 50 Chaouachi, n’en contient maintenant que 15. Les autres ont dû fermer leurs boutiques pour plusieurs raisons. Ce n’est pas le cas de Mohamed Aba, un chaouachi, qui croit encore à la pérennité de ce métier. Devant sa boutique, M. Aba a énuméré les problèmes de son secteur, d’un ton triste et nostalgique à la fois. Très vite, il ne manque pas de porter un regard accusateur sur l’Etat : « L’Etat ne nous a jamais soutenus que ce soit avant ou après le 14 janvier ».
Pour lui, ce métier est une histoire de famille car, malgré les études qu’il a faites en France, il a préféré revenir à Tunis pour suivre les traces de son père : « Nous sommes huit frères. Seuls deux ont choisi de continuer à vivre de ce métier », dit-il. Et de continuer : « Les autres ont choisi d’autres chemins pour des raisons financières ». « Le seul soutien dont nous avons bénéficié était l’exonération fiscale en 2007 sur la matière première », explique-t-il. Afin d’illustrer l’ampleur du problème, notre interlocuteur nous a indiqué que la meilleure année de production en la matière a été 1980, année où la production avait atteint 120 tonnes contrairement à 2014 qui a connu une très faible production de 30 tonnes. Le problème se situe à plusieurs niveaux d’après M. Aba, ainsi trois problèmes principaux empêchent l’essor du domaine.
La main-d’œuvre qualifiée constitue un problème majeur pour le secteur : « Les tricoteuses ne sont pas disponibles car elles sont mal payées. D’ailleurs nous vendons nos produits- les chéchias, chapeaux tunisiens traditionnels- à un faible prix, raison qui nous empêche de bien les payer malheureusement ». Au problème de la main-d’œuvre vient s’ajouter celui des prix de la matière première qui sont chers. En effet, le mérinos australien est devenu de plus en plus cher, notamment avec la chute libre du dinar tunisien. De même, il a recommandé une intervention urgente de l’Etat pour réparer l’usine de filage « qui se trouve à Tébourba dans une situation lamentable, afin que ses activités reprennent comme avant ». L’exportation n’a pas échappé elle aussi aux problèmes, car 70% de la production est destinée à l’exportation vers le Niger, le Nigeria et la Libye. « Dans le contexte de guerre, le client libyen se déplace à Tunis pour récupérer sa commande. Il paie comptant et reçoit sa facture sans passer par l’intermédiaire des circuits habituels de l’exportation ». Au-delà des soucis économiques du secteur, le problème est également identitaire car la chéchia fait partie de l’identité tunisienne : « Les députés de l’Assemblée du peuple devrait donner l’exemple en la portant même un jour par an. De même, il faut organiser des campagne médiatiques dans ce sens-là », dit-il.
Sculpteur sur plâtre : aucun problème à signaler à part le manque de main-d’œuvre
Si le domaine de la chéchia souffre de plusieurs défaillances, il n’en est pas de même pour la sculpture sur plâtre. Yassine Zaïri se dit satisfait de sa situation et affirme qu’il vit uniquement de son art. « Je pense que le seul problème de ce métier est le manque de main-d’œuvre qui est dû principalement aux jeunes qui choisissent d’autres voies et d’autres secteurs ». À notre question sur les contraintes financières, le jeune artiste a estimé que la matière principale, à savoir le plâtre , n’est pas chère contrairement à d’autres secteurs. « Malheureusement, les gens s’intéressent de plus en plus aux styles architecturaux européen et américain. S’ajoute à cela que les architectes ne recommandent pas souvent le style arabe dans leurs plans, dit-il. Nous n’avons pas besoin de grands moyens pour entreprendre dans le domaine de la sculpture sur plâtre », affirme-t-il.
Artisan ciseleur sur verre : manque de marché et de visibilité
Balti Jalloul exerce ce métier depuis 1962, depuis qu’il a dû abandonner les études après qu’il a passé le concours de la sixième année primaire. Sa longue expérience lui a permis la maîtrise de tous les métaux. Cependant, il regrette l’absence de marché nécessaire pour vendre les produits.« L’Etat n’assure pas l’importation et la promotion de nos produits; s’ajoute à cela que les expositions ne sont pas ponctuelles et que même si les expositions existent, elles sont de courte durée, facteur qui ne permet pas de bien faire la promotion du produit », dit-il. « Bien avant la guerre du Golfe, les juifs tunisiens qui assuraient l’exportation de nos produits grâce à leurs réseaux ont quitté le pays, ce qui a compliqué le problème », rappelle-t-il. Lui aussi, il plaide pour l’intervention de l’Etat pour assurer l’exportation et le promouvoir.
Artisan Bijoutier : de la nécessité de lutter contre les marchés parallèles
« La première étape à entreprendre pour sauver le secteur est de lutter contre les marchés parallèles », nous confie Mohamed Râach, président de la Chambre syndicale régionale des artisans bijoutiers. Ainsi pour cet artisan bijoutier, l’Etat a beau accorder des avantages, mais en vain s’il n’arrive pas à éradiquer ce problème.« Alors que nous payons les impôts et les taxes comme il se doit, d’autres se permettent de s’introduire dans le marché en cachette, sans patente, sans payer quoi que ce soit pour vendre leurs produits contrefaçonnés », se plaint-il.
Par ailleurs, M. Raâch indique que les artisans bijoutiers n’ont pas encore vu de bons indices prouvant que le secteur se trouve sur la bonne voie, notamment que le prix de la matière première demeure encore cher (or et argent). Même l’exonération fiscale que l’Etat a accordée pour l’or n’est pas efficace puisque le marché parallèle règne. Marché parallèle qui peut même être la cause de problème de santé publique puisque » plusieurs bijoux dont l’une des composantes est le plomb circulent en Tunisie et pourraient causer des cancers. Le dossier a été déposé au ministère de la Santé à l’époque de la Troïka, mais il est introuvable depuis… « , conclut-il.
Naturaleza.
El gorrión
suavemente canta
donando un
suspiro y un
ligero candor:
veo la tristeza
en el prado
mojado y en
el llanto del
sol.
Francesco Sinibaldi
Un
souffle vivant.
Dans
la solennité
d’une
pensée
fugitive
la fête
du
soleil retrouve
la
jeunesse et
le
chant d’un
oiseau
qui cherche
l’harmonie.
Francesco Sinibaldi