Deux partis au pouvoir viennent de déclencher des alertes: Afak Tounes demande une « ceinture politique » à l’alliance gouvernementale. Suite à cette déclaration, les responsables du parti ont rencontré le Directeur exécutif de Nida Tounes. De son côté, Nidaa Tounes appelle à « un dialogue national sur les réformes économiques et sociales » (réunion du bureau politique, 14 avril 2015). En tout cas, les priorités rappelées, attestent que le gouvernement n’a pas mis au programme le traitement des grandes attentes. En conclusion, Nida Tounes, a appelé les partis constituant le gouvernement, à mettre en place « des mécanismes de coordination afin de parvenir à la concorde nécessaire ».
Les deux diagnostics, rejoints vraisemblablement, par le rapport du bureau d’Ennahdha, communiqué oralement au chef du gouvernement, le 15 avril 2015, évoquent le ralentissement de l’action gouvernementale et le souci des composantes de l’alliance, de se concerter sur les réformes à engager.
Pour l’alliance gouvernementale, l’équation est de savoir, où mettre le curseur, entre la nécessité de préserver l’union et le risque de mécontentement de leurs électeurs, tout en tentant d’obtenir un changement de cap. Pour le moment, il n’y a pas d’inflexion prévisible de la politique du gouvernement, puisque les préoccupations sécuritaires et les manifestations de colère dans certaines régions retardent la prise en compte des enjeux sociaux et économiques. La population attend des signaux forts et non de vagues déclarations d’intentions ou l’annonce de mesurettes, telles que l’augmentation de la bourse universitaire. Il aurait fallu donner des gages de rupture, par rapport à la gestion traditionnelle sinon idéologique de la troïka.
L’annonce de prochains congrès de Nida Tounes et d’Ennahdha attestent que la vie politique est en voie de refondation. La crise de Nida Tounes traduit la saturation prématurée d’un système. Le départ du leader charismatique, a créé un vide institutionnel effectif et un affrontement de légitimités, sacrifiant la base populaire et ses coordinations régionales. Ennahdha annonce la révision de ses fondamentaux. Plus centralisé et plus homogène, le parti réussit davantage son « équilibrisme ». Parti des cols blancs, Afak tounes, tente de s’imposer sur la scène politique. Mais le soutien externe ne peut compenser la faible audience populaire. L’UPT est en voie de reconstruction. Les partis perdants espèrent reconstituer de grands ensembles populaires, aux dépens des grands partis. Des débauchages individuels sont possibles mais point de scission. Peut-on parler d’une recomposition du paysage politique ?
Les discours de surenchère démocratique échoppent devant la gravité des problèmes sociaux. Il serait cependant utile d’envisager d’institutionnaliser les expériences participatives, par les grands partis. Il faudrait peut être recentré le parlement sur un pouvoir de contrôle et d’interpellation, qu’il n’a jamais vraiment exercé. Autrement, on risque de démobiliser l’électorat. Fait positif, ces repositionnements des partis peuvent ouvrir de nouveaux horizons et inciter les grands acteurs à construire un nouveau contrat de majorité qui redéfinisse les fondamentaux des politiques économiques et sociales.