Un renforcement de l’autonomie du Conseil supérieur de la magistrature ( CSM ), tel est le débat annoncé par les acteurs juridiques lors de la conférence nationale portant sur le thème “ le projet de loi sur le Conseil Supérieur de la Magistrature et sa conformité à la Constitution”, qui s’est tenue aujourd’hui dans un hôtel de la capitale. Cette conférence était organisée par l’Instance provisoire de supervision de la justice judiciaire, en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le Développement ( PNUD ), le Haut Commissariat des droits de l’Homme, l’Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime ( ONUDC ) et d’autres organismes.
Depuis la nouvelle Constitution du 27 janvier 2014, la création d’un Conseil Supérieur de la Magistrature, qui devra garantir le bon fonctionnement et l’indépendance de la justice, est l’objet d’une polémique. La justice est-elle indépendante ? L’histoire de la création du CSM soulève depuis plusieurs mois de fortes discussions en coulisses.
Faten Boussetta, magistrate et chef du groupe de travail au Centre d’études juridiques et judiciaires, déclare: » Il se trouve que ce projet de loi n’est pas conforme aux standards internationaux, il y a un recul même à l’égard des garanties de la Constitution. Aujourd’hui si on veut opter pour un Etat de droit, avoir une justice indépendante, parler de démocratie, de dignité du citoyen, ceci ne peut se faire qu’avec une justice qui soit garante des libertés et des normes internationales « .
Pour Walid El Melki, membre de l’Instance provisoire de supervision de la justice judiciaire, le CSM est contrôlé par deux pôles, des non-magistrats et des professionnels du domaine qui occupent les deux tiers du CSM.
Rencontrée à cette occasion, la députée à l’ARP Rim Mahjoub, donne son avis sur le CSM. Pour elle, l’expression “pouvoir juridictionnel” a été supprimé du projet de loi, ce qui, selon elle, pose un réel problème, outre le fait que le nombre de juges élus est faible. Il faudrait dit-elle qu’il y ait un équilibre entre le pouvoir exécutif et le CSM, diminuer le nombre des avocats et intégrer une représentation de l’Ecole supérieure de la magistrature au CSM.
Pour Raoudha Laabidi, présidente des syndicats des Magistrats tunisiens ( SMT ): » Il s’agit d’’un projet catastrophique, parce que nous nous trouvons face à un projet qui ne comprend aucune clause mentionnant les termes “pouvoir judiciaire”, mais qui parle d’une autorité. La notion même de l’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas mentionnée « , a-t-elle déploré.
Et de continuer : » Tout le long du projet, il y a une absence totale du terme “pouvoir” ce qui veut dire que ceux qui l’ont élaboré ne croient pas à l’indépendance. Il en va de même quant aux prérogatives du CSM lesquelles ont été déléguées au pouvoir exécutif. Le Conseil est tenu de présenter un rapport annuel au président de la République, au chef du gouvernement, à l’ARP et à publier son rapport. Il y a aussi un contrôle des médias « .
Interrogée sur la présence de représentants de la justice militaire au CSM, elle a répondu que sa présence est “inutile” d’une part, et d’autre part, les militaires ont leur propre Conseil supérieur. » Ce que nous voulons c’est qu’on respecte la Constitution. Si ce projet est approuvé à l’ARP, nous n’aurons plus un pouvoir judiciaire indépendant « , a-t-elle indiqué.
Pour Mohamed Jemoul, avocat près la Cour de cassation, le problème est qu’ » il y a des anomalies à revoir, certains veulent même faire des campagnes électorales en ce sens. Quand l’avocat est autonome, l’intérêt de la profession vient en parallèle avec l’autonomie du barreau « , a-t-il confié.
La bataille n’est pas terminée, entre réflexions et discussions autour du projet de loi organique relatif au Conseil Supérieur de la Magistrature qui serait le premier pas vers la concrétisation effective de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la réforme et de la restructuration du secteur de la justice en général.