Tel est l’intitulé de la table ronde tenue ce matin, 28 mai, lors de la troisième édition de Jaou-Tunis, organisée par la fondation Kamel Lazaar. En effet, le sujet est d’actualité surtout dans un contexte où le monde arabe connaît une mutation globale. Les panélistes présents lors de cette table ronde ont donné à voir différentes perceptions des problématiques. Après le mot d’introduction de Kamel Lazaar, président de la fondation Kamel, l’événement a commencé.
Alexandre Kazerouni, chercheur à l’Institut d’études politiques de Paris, s’est attardé sur un rappel historique de la relation entre le culturel et le politique dans l’histoire du monde arabe. D’après lui, le monde arabe a connu trois étapes majeures. Pendant les années 70, deux courants ont vu le jour, le panarabisme qui prône que l’identité arabe est une identité transnationale et qu’il n’existe pas de frontière entre les pays voisins : « D’ailleurs le leader Abdenaceur ne faisait jamais allusion à l’Egypte pharaonique avec son passé glorieux dans sa politique fondée sur une idéologie transnationale ». De l’autre côté existe le courant du patriotisme qui consiste à fonder l’identité sur les spécificités locales : « L’exemple le plus illustratif est l’Irak » : dans ce contexte, le spécialiste a cité l’artiste Jawed Salim qui a cherché à ancrer le modernisme venu d’Europe dans la culture arabe en puisant dans l’Antiquité préislamique de l’Irak.
Puis est venue l’étape de l’islamisme, vers les années 70,qui a marqué le deuxième âge de la relation entre la culture et le politique dans le monde arabe. D’après le spécialiste, cette étape vient surtout avec le commencement de l’islamisme que ce soit avec les frères musulmans ou avec ce qui se passe dans les pays du Golfe, « une islamisation par le haut ». Quant à la troisième étape, elle a surgi vers la fin des années 90, début 2000 avec une libéralisation dans le monde arabe en réponse à l’islamisation : « Pensons à tous les projets de musée qui sont apparus au Qatar et aux Emirats Arabes Unis. S’ajoute à cela le marché de l’art dans ces pays. D’après le spécialiste, le problème réside dans le fait qu’il n’existe pas de plateforme commune pour un dialogue entre les différents courants et composantes de la culture arabe.
« L’art a toujours épousé les causes du monde arabe », a déclaré Sultan Al Qassemi, président de Barjeel Art Foundation, qui a voulu à travers son intervention illustrer par des tableaux d’art sa thèse . Tels le tableau mettant en valeur Jamel Abdennasser comme protecteur de son peuple et celui de l’artiste palestinienne vivant à l’étranger qui propose la construction de deux tours une pour le peuple palestinien et un autre pour le peuple israélien. D’après Sultan, l’art visuel a suivi l’évolution des événements politiques dans le monde arabe.
Le constitutionnaliste Ghazi Ghrairi, quant à lui, a condamné fermement les actes de violence commis par des salafistes contre des artistes ayant exposé leurs tableaux au Palais Abdellia ainsi que contre la projection du film » Ni Dieu ni Maître ». Pour Ghazi Ghrairi, le problème réside dans l’interprétation des œuvres artistiques qui ne doit pas être unique pour tous les récepteurs. Par ailleurs, il a indiqué que dans un contexte où les artistes ont participé à la révolution, il ne devrait pas y avoir de place pour la violence.
Mohamed Azizi, chancelier de l’Académie mondiale de la poésie, a rejeté dans son intervention un cliché d’après lequel la culture serait synonyme de paix. D’après lui, si l’artiste se veut l’expression d’un groupe fermé, il peut être violent mais s’il atteint un degré où il devient le porte-parole de l’humanité, à ce moment là, l’art peut être associé à la paix.