La Fédération tunisienne des restaurants touristiques est la dernière arrivée sur la scène des syndicats patronaux. Elle s’est fixé comme premier objectif de réhabiliter le secteur des restaurants touristiques et de donner une valeur ajoutée au tourisme tunisien à son échelle. Le secrétaire général de la Fédération tunisienne des restaurants touristiques, Mohamed Houas, nous livre plus de détails sur le contexte de la création de la fédération, son rôle et les perspectives des restaurants touristiques en Tunisie.
Leconomistemaghrebin.com : Dans quel contexte la Fédération tunisienne des restaurants touristiques a vu le jour ?
Mohamed Houas : La création de la Fédération tunisienne des restaurants touristiques s’inscrit dans le cadre de l’activité et de l’effervescence que la Tunisie a connues après la 14 janvier 2011. Je ne vous apprends rien en vous disant que bien avant le 14 janvier, le pouvoir n’appréciait pas la création des syndicats patronaux. Depuis la mise en place du cahier des charges des restaurants touristiques par le ministère du Tourisme dans les années 90, les restaurants touristiques ont été marginalisés jusqu’au 1er mai 2014, date de la création de la fédération par un groupe de propriétaires de restaurants. Ils étaient convaincus qu’il était temps d’avoir une structure qui les représente d’autant que le secteur de la restauration a vécu plusieurs problèmes durant les quatre dernières années. A présent les restaurants touristiques disposent d’une fédération. Le bureau exécutif de la fédération a été créé en parallèle. Il est chargé de suivre et gérer la relation de la fédération avec le ministère du Tourisme, le ministère de l’Intérieur, les gouverneurs et les propriétaires de restaurants.
Quelle est la situation actuelle des restaurants touristiques en Tunisie ?
Mohamed Houas : Sachez que les restaurants touristiques en Tunisie sont différents d’une région à l’autre. A titre d’exemple, sur le Grand-Tunis il existe 120 restaurants touristiques classés, ce qui n’est pas le cas dans d’autres gouvernorats et cela est dû à plusieurs paramètres comme le nombre et la qualité des clients et l’emplacement des restaurants. Sur les 400 restaurants touristiques sur tout le territoire tunisien, on trouve uniquement 50 ou 60 restaurants habilités et qui travaillent dans les normes. Pour que le rendement et la qualité de service de ces restaurants évoluent trois critères sont indispensables. Le premier est la législation qui n’est plus d’actualité et ne répond plus aux attentes des restaurateurs. D’ailleurs, avant le 14 janvier 2011, les lois n’étaient pas conçues dans un esprit participatif. Le deuxième critère est le recyclage et la formation pour améliorer la qualité du service dans les restaurants touristiques, à l’instar des hôtels qui ont bénéficié de fonds pour la réhabilitation. Je tiens à rappeler que les restaurants touristiques n’ont jamais été intégrés dans un programme de réhabilitation. Nous ambitionnons, en tant que fédération, de signer un partenariat avec le ministère du Tourisme qui porte sur la réhabilitation des restaurants touristiques. Le troisième point est le marketing. Il est temps de faire évoluer l’opération de marketing à travers la valorisation du patrimoine culinaire de la cuisine tunisienne. La méthode de commercialisation du produit culinaire tunisien est dépassée. Je recommande dans ce sens que le ministère du Tourisme fasse participer des restaurants tunisiens aux événements internationaux pour présenter la cuisine tunisienne. De nos jours, il n’est plus suffisant de présenter le produit touristique uniquement à travers les agences de voyages et les hôtels. Il faut faire appel aux restaurants et à l’artisanat. Le ministère du Tourisme est appelé à fournir un effort considérable pour commercialiser l’art culinaire tunisien. D’ailleurs notre héritage culinaire est considérable comme vous le savez, les Maltais, les Italiens, les Algériens, les Marocains, les Français et les Espagnols ont vécu en Tunisie et y ont laissé leur « empreinte culinaire ». Donc nous aimerions bien que les restaurants prennent en considération tout cet héritage et le mettent en valeur.
Y a-t-il d’autres problèmes dans ce secteur ?
Oui. Il y en a. Nous voulons un régime fiscal propre aux restaurants. La fédération a chargé un expert en fiscalité et un expert en législation financière afin de proposer une feuille de route au ministère de tutelle. Les boissons alcoolisées ont connu deux augmentations pendant le règne de la troïka, ce qui représente une perte pour la valeur ajoutée. Nous demandons une réglementation des prix et cela pourrait bien réduire le marché noir dans ce secteur. Par ailleurs, les propriétaires des restaurants ne bénéficient pas de la récupération de la TVA sur la viande et les légumes. Donc, le régime fiscal n’est ni dans l’intérêt des propriétaires des restaurants, ni dans celui de l’Etat. Ainsi, nous proposons de réformer le régime fiscal des restaurants.
Au niveau bancaire, il existe également un problème à partir du moment où l’entrepreneur demande un crédit pour lancer un restaurant. Si nous voulons que la Tunisie soit un pays touristique digne de ce nom, il faut que les différentes administrations s’ouvrent sur leur environnement (ministère de l’Intérieur, ministère du Tourisme, les banques, le ministère des Finances et les autorités locales). Donc, il s’agit de travailler dans un esprit participatif pour faire évoluer ce secteur. L’évolution du secteur des restaurants ne peut être que bénéfique, notamment en matière de lutte contre le chômage.
Les restaurants sont l’épine dorsale du tourisme. A titre d’exemple, en France les restaurants représentent 70% du secteur touristique et 30% des recettes sont générées par les hôtels. D’ailleurs, les propriétaires des hôtels devraient changer de stratégie de travail. Comment se fait-il qu’un hôtel 5 étoiles utilise encore les buffets? Cette pratique n’existe pas dans d’autre pays! Normalement les hôtels devraient être conçus pour le logement et le petit déjeuner uniquement, cela permettrait la promotion des restaurants. Pour entamer la réforme, l’agence de voyages, le restaurant et l’hôtel sont intimement liés, mais malheureusement nous n’avons pas la culture du travail en groupe. Donc nous comprenons bien les problèmes du secteur et nous pouvons contribuer à leur résolution, cependant l’Etat doit être à l’écoute de nos propositions.
Quels sont les acquis réalisés depuis la création de la fédération ?
Nous avons lancé huit bureaux régionaux à Tunis, Mahdia, Tabarka, Sousse, Monastir, Hammamet et Sfax. Aujourd’hui la fédération dispose d’un siège au sein du FODEC. Nous avons eu un siège au sein de la commission nationale pour la classification des restaurants. J’attire votre attention sur le fait que 100 restaurants touristiques se sont affilés à la fédération pendant cette année. Grâce à notre initiative, et en partenariat avec nos collègues de la FTAV et la FTH, nous avons pu créer l’Union tunisienne des professions touristiques.
Comment voyez-vous l’avenir de la profession à la lumière de la situation actuelle ?
Dans les professions touristiques nous vivons entre l’espoir et l’optimisme. D’ailleurs faire plaisir aux gens est l’essence même de notre métier, car on leur donne à manger et à boire. Nous contribuons au bonheur des gens. Cela dit, nous ne pouvons pas être pessimistes, surtout que ce métier ne date pas d’hier. Sachez qu’il existe des restaurants qui datent de 60 ans et qui n’ont pas arrêté leur activité malgré les grèves et ce qui s’est passé pendant les dernières années. Il s’est avéré que l’administration à elle seule est incapable de trouver les solutions idoines pour la résolution des problèmes. C’est pourquoi, les professionnels devraient être mis à contribution.
Avec ce qui s’est passé au Musée du Bardo et l’instabilité du pays pendant les quatre dernières années, nous devons tirer des leçons. Donc, il faut miser sur le tourisme intérieur, essayer d’attirer les Tunisiens résidant à l’étranger pour qu’ils passent leurs vacances d’été en Tunisie. Un autre paramètre à ne pas oublier c’est le marché algérien, qu’il faut essayer de développer. Concernant le volet relatif à la sécurité, il n’est pas uniquement de la responsabilité des agents de l’ordre, c’est la responsabilité de tout le monde. Partout où le touriste va se promener, il doit se sentir en sécurité et dans tous les espaces. C’est une responsabilité commune.