Rencontré en marge de la troisième édition de l’événement culturel Jaou-Tunis, le constitutionnaliste Ghazi Ghrairi est revenu sur la relation entre la politique et la culture dans une déclaration accordée à leconomistemaghrebin.com.
Interpellé sur le rôle des intellectuels et des artistes dans cette période charnière de la Tunisie, Ghazi Ghrairi a estimé que ce que vit la Tunisie suppose la participation de tout le monde, puisque c’est une révolution sans leadership et sans locomotive institutionnelle. « Chaque Tunisien y participe. Bien entendu les artistes et les intellectuels expriment à leur manière leur rôle de citoyens, de vecteur de changement », a-t-il dit. Et de rappeler que la révolution tunisienne est passée par des formes artistiques comme les rappeurs : « On se rappelle bien comment ils ont été un vecteur de l’imagerie révolutionnaire. Aujourd’hui plusieurs autres artistes expriment ce changement et y contribuent », renchérit-il. Et de citer l’exemple de son « ami le poète Mohamed Sghaier Ouled Ahmed qui s’est auto-qualifié de poète leader de la révolution tunisienne ».
A notre question sur une éventuelle possibilité de la domestication des intellectuels et des artistes suite à leur implication dans des partis politiques, notre interlocuteur a affirmé qu’avant tout, les artistes et les intellectuels sont des citoyens. « Si les intellectuels et les artistes expriment une option électorale ou une opinion politique c’est leur droit. Cependant, il existe des intellectuels et des artistes qui ne franchissent pas le Rubicon et qui restent dans un niveau d’orientation ou d’expression idéaliste et artistique, sans prendre position contre x ou y et c’est tout à fait respectable », affirme-t-il.
Comment faire de l’art et de la culture un moyen de résistance culturelle?
A cette question le constitutionnaliste tunisien a estimé que la première étape à franchir est de cesser de penser que « les artistes doivent faire… ou les artistes ne doivent pas faire ». Et de déclarer : « L’époque de la culture administrée est révolue. Peut-être que la culture administrée a eu un certain aspect positif pendant les premières années de l’indépendance et l’appui institutionnel à certains artistes a porté ses fruits ». « Accompagner une société qui se libère et qui s’émancipe passe par reconsidérer le rôle des institutions par rapport à la liberté artistique. On ne doit pas avoir une vision étatique, gouvernementale et officielle et je crois que c’est la première manifestation de la révolution dans le champ artistique », dit-il.
Nous avons une législation de la culture administrée et aujourd’hui, il nous faut une législation de la liberté culturelle
Interpellé sur la fermeture récente d’un certain nombre d’espaces privés, le constitutionnaliste a précisé que cette problématique s’inscrit dans le cadre de l’art et du marché de l’art. « La société est cupide, elle cherche le gain », soutient-il et de proposer que des privilèges soient octroyés à l’activité artistique outre la protection, mais pas uniquement, pour un contenu artistique bien déterminé mais pour tous les artistes.