Créé à la fin de l’année 1996, le REMDH est un réseau formé de plus de 80 organisations des droits de l’Homme et d’institutions et de personnes de 30 pays de la région euro-méditerranéenne. Rencontré lors de la conférence nationale de clôture sur le thème « Mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union européenne», le directeur du Bureau Maghreb du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), Ramy Salhi, donne son point de vue de l’expérience de la société civile. Interview :
– leconomiste maghrebin.com : Comment l’idée est venue de créer le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) ?
Ramy Salhi :L’idée est venue parce que nous avons constaté que la société civile tunisienne avait joué et joue encore un rôle impressionnant, un rôle déterminant dans le processus de transition en Tunisie. De l’autre côté, il y a une volonté politique que ce soit du côté européen ou du gouvernement dans le cadre du dialogue tripartite de la société civile.
– En 1996, il était difficile de mobiliser la société civile?
Bien entendu, non seulement il était difficile de mobiliser une société civile, encore plus de créer une association, que ce soit une association indépendante, ce qui s’est passé pour la Ligue des droits de l’Homme, l’ATFD. Il y avait une poignée d’associations indépendantes et l’ancien régime n’a permis aucun dialogue avec ces associations. Il a créé sa propre société civile constituées d’associations pratiquement liées au régime et qui n’avaient rien à voir avec les objectifs des droits de l’Homme et la défense du principe des valeurs universelles.
Maintenant la donne a changé, une société civile avec des associations historiques telles que l’Ugtt, la Ligue, l’ATFD, l’AFTURD, des structures qui existaient bien avant l’époque de Ben Ali, et qui ont résisté. Avec cet élan des associations ont pu voir le jour après la révolution.
D’un autre côté, les relations tuniso-internationales étaient tissées dans le couloir des coulisses diplomatiques sans aucune transparence. Ce qui avait remis en question plusieurs accords internationaux, notamment en termes d’intégrité et de transparence.
-Et actuellement, comment cela se présente-t-il ?
Aujourd’hui on adopte une approche plutôt transparente impliquant les acteurs de la société civile pour accompagner le processus. L’objectif, ce n’est ni d’agir à la place du gouvernement et encore moins de l’Union européenne, mais d’avoir un regard critique basé sur les valeurs universelles des droits de l’Homme et d’être présents.
– Comment voyez-vous l’avenir du Réseau euro-méditerranéen ?
L’exercice, je l’avoue n’était pas aisé et ce d’autant plus qu’il fallait rassembler des acteurs qui n’ont jamais travaillé ensemble. Il a fallu un certain temps pour rétablir la confiance entre les différents acteurs, puis pour définir d’une manière collective les perspectives et les priorités.
-Quelles sont vos recommandations ?
Plusieurs thématiques, parmi lesquelles figure l’égalité homme-femme et nous tenons fermement à ce que la loi soit présentée à l’Assemblée des représentants du peuple parce que cela est une vraie garantie des acquis de la femme tunisienne. Il ne faut ni dévier ni revenir en arrière.
-Pensez-vous que nous sommes sur la bonne voie ?
Je ne pourrai pas dire si on est sur la bonne voie tant que la loi n’est pas adoptée. On voit tellement de conservateurs à l’ARP et je ne pointe pas du doigt un seul parti, mais plusieurs partis qui se présentent en tant que des démocrates sont en fait des conservateurs. Et là on le voit de près dans les articles votés. On se rappelle à l’Assemblée nationale constituante, il y avait des pseudo-démocrates qui ont voté contre la parité homme-femme.
Quant aux droits économiques et sociaux, on tient à ce que le partenariat Tunisie – Union européenne soit réellement un partenariat équilibré, qui prenne en considération les difficultés par lesquelles passe la Tunisie. D’autre part, si l’accord sur le libre-échange se met en place d’une manière correcte, cela pourrait être une opportunité pour la Tunisie d’améliorer son cadre juridique et fiscal. En revanche, si on l’appliquait comme il est conçu actuellement, ce serait un coup dur pour l’économie tunisienne.
-La question de l’immigration clandestine, comment se présente-t-elle maintenant ?
Encourager le développement régional, lutter contre les disparités régionales c’est ainsi qu’on pourra limiter l’immigration clandestine. La solution selon moi réside dans l’allègement des procédures d’obtention de visa surtout pour les catégories défavorisées. Rappelez-vous que nous avons 15.000 personnes disparues en mer. Cela remet en cause plusieurs discours politiques.