Ce qui s’est passé au cours du récent congrès de la FIFA, comme, par exemple, les accusations de corruption portées contre la FIFA et certains de ses dirigeants et la réaction de Platini ne sont pas assurément pas l’expression de la seule défense des valeurs universelles du sport. Analyse.
La phrase est d’un ancien secrétaire général du Parti Communiste Français (PCF), Georges Marchais (1972-1994) qui la répétait à tout bout de champ devant les journalistes chaque fois qu’il voulait expliquer les raisons évidentes qui se cachent derrière une décision : « Il ne faut pas sortir de l’ENA (École Nationale d’administration), l’école qui forme les hauts fonctionnaires de la France, pour comprendre que.. »
Usons de cette même phrase pour dire qu’il ne faut pas être un habitué du football mondial et de ses arcanes pour imaginer que tous les événements qui ont marqué le récent congrès de la FIFA (La Fédération internationale de football), qui s’est tenu les 28 et 29 mai 2015, à Zurich (Suisse), et l’élection de Sepp Blatter à la tête de cette organisation sont l’expression d’un grand enjeu de pouvoirs et d’intérêts qui en découlent.
Aussi bien le FBI, la police américaine, qui n’a pas trouvé meilleur moment que deux jours avant le début du congrès de la FIFA, pour accuser des responsables de cette association de corruption et de blanchiment d’argent et de faire des perquisitions et opérer des arrestations parmi les dirigeants du football mondial ou de les demander à la police suisse, que la Russie, qui a réagi promptement on ne peut plus vigoureusement à ces agissements, que Michel Platini, le président de l’UEFA (la fédération européenne de football), qui a mené une campagne de dénigrement contre le maître des lieux, le président Blatter, qu’enfin ce dernier, un véritable « politicien du football », comme on le nomme d’ailleurs, qui a réussi à mettre le grappin, grâce à un réseau d’amis, sur la plus riche organisation du sport mondial (6 billions de dollars -presque le double en dinars). En témoigne son élection pour un cinquième mandat.
Tout le monde comprend que chacun a des intérêts dans l’affaire. Un proverbe tunisien dit bien que « chacun a son Satan dans la poche »; un autre affirme du reste qu’ « aucun chat ne chasse pour le bon Dieu ».
Les adversaires de Blatter ne sont pas non plus des saints
Ces quelques lignes n’ont pas pour objectif évidement d’essayer de blanchir Sepp Blatter et l’appareil actuel de la FIFA, mais de dire que ses adversaires ne sont pas non plus des saints et des enfants de cœur. Loin s’en faut!
Michel Platini, qui est à la tête de l’UEFA depuis huit ans (2007), par exemple, n’a-t-il pas recouru pour son premier mandat exactement aux mêmes méthodes qu’utilisent celui qu’il combat ? N’avait-il pas fait –on s’en souvient- le voyage des pays de l’Europe de l’Est pour leur dire qu’il entendait faciliter leur accession à la Ligue des champions ?
N’a-t-il pas récidivé en proposant, en octobre 2013, dans un entretien au quotidien anglais The Time, HYPERLINK « http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/10/28/michel-platini-pret-pour-un-mondial-a-40_3504139_3242.html » \h l’extension à 40 (contre 32 aujourd’hui) du nombre d’équipes participant à la Coupe du monde, dès 2018 ? Une extension qui irait aux Africains et Asiatiques.
Platini est-il, par ailleurs, remonté contre Blatter parce que ce dernier a fait perdre à l’Europe- et pour des raisons électorales- la place qu’a toujours détenu le football européen (sept des présidents de la FIFA sont Européens) ?
Comprenant très vite qu’il fallait s’intéresser à ces laissés pour compte que sont les Africains, les Asiatiques et les Sud-américains, Sepp Blatter a-t-il « nui », aux yeux de Platini, aux Européens en focalisant son intérêt sur des électeurs qui comptent ? Leur fédération ont voté du reste en masse pour lui au récent congrès de Zürich. Ne prêtant pas la moindre oreille aux appels de Platini contre Blatter.
Des Européens ont voté pour un représentant du monde arabe
Son courroux s’explique-t-il par le fait qu’il a senti qu’il a compris qu’il ne pouvait plus envisager de prendre les rênes d’une organisation largement dominée par Blatter ? Il faut en toute évidence le croire.
Il est étonnant d’ailleurs d’observer que des Européens ont voté pour un représentant du monde Arabe, le jordanien Ali Ibnou Al Houssein de Jordanie, pour le porter à la tête de la FIFA. Alors que des Arabes (représentés par les fédérations africaine et asiatique) ont massivement donné leur voix à un Européen.
Et le FBI dans tout ça? Certains vont jusqu’à dire que ce bras de l’establishment américain veut tout simplement nuire à l’image de la Russie qui devra accueillir la phase finale de la Coupe du monde de 2018. Les russes ne sont pas loin de le penser comme leur montre leur réaction aux agissements du FBI. Poutine en tête. Les Russes connaissent les pressions exercées par le sénateur John Mac Cain qui a demandé, en mars 2014, avec des sénateurs américains, de retirer l’organisation de la Coupe du monde 2018 à la Russie en raison de son rôle dans la crise en Ukraine. Les Américains veulent-ils troubler la fête ? Poutine saura faire de la coupe du monde un vecteur de communication. Manœuvrent-ils encore très remontés qu’ils sont contre les Russes pour l’ « annexion », précisément en mars 2014, de la Crimée, ce territoire ukrainien. Qui sait?
Nous ne pouvons clore ce dernier dossier FIFA sans évoquer la décision palestinienne de renoncer à sa motion demandant la suspension d’Israël de la FIFA. Il semble, à ce propos, que les Palestiniens, et à leur tête Djibril Radjoub, le président de la Fédération palestinienne de football, ont obtenu des garanties sur les deux points objets de la motion : la liberté de mouvement des joueurs et des responsables palestiniens et l’existence de clubs de football dans les colonies israéliennes installées dans les territoires palestiniens occupés et évoluant dans le championnat israélien.
Ce qui est certain c’est qu’une commission réunissant Palestiniens, Israéliens et des représentants de la FIFA devra se pencher au plus vite sur ces deux questions.