Le dossier est épineux. Et les intérêts ne vont pas tarder à se manifester. Et avec eux les pressions. Arrivera-t-on à un General Agreement ?
« La situation est déjà complexe ». Le commentaire de ce banquier en dit long sur ce que peuvent penser certains décideurs quant à l’annulation par le Tribunal administratif du décret- loi 113 sur la confiscation des biens spoliés par le clan Ben Ali-Trabelsi.
En effet, la possibilité envisagée de voir ce clan jugé cleptomane de retrouver les biens qu’il a volés à la communauté nationale et celle de voir le même clan Ben Ali-Trabelsi être dédommagé pour la dégradation de ceux-ci inquiète plus d’un. On a parlé de décision » dangereuse » et de « choc « .
Om Zied, une opposante des plus déterminées de la dictature de Ben Ali, s’est étonnée que la Révolution ait décidé de donner raison aux spoliateurs et l’a refusé pour les martyrs.
La question mérite le détour et va tenir en haleine une bonne partie de l’opinion. Du moins jusqu’à l’annulation ou encore la confirmation, sous quelque forme que se soit, de la décision du Tribunal administratif.
Et on le voit d’ores et déjà, chacun fourbit ses armes. Tant la bataille est importante. Elle risque en effet de marquer à jamais l’histoire de la révolution du 14 janvier 2011.
Il s’agit en effet d’une double bataille: juridique et politique. D’abord, juridique parce que l’on ne sait pas de quoi sera faite la prochaine décision du Tribunal administratif du reste très attendue au niveau de l’appel : le gouvernement s’attend à ce que le Tribunal administratif revoie sa copie. Avec la précision suivante : les juges savent que leur décision sera largement commentée en fonction de ce que les textes peuvent dire aux uns et aux autres.
Un remake du décret-loi 113?
Quid, en outre, du comité mis en place pour le projet de loi amendant le décret-loi sur la confiscation des biens spoliés. On nous annonce qu’un tel texte va être préparé pour être soumis ensuite à l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple). Sera-t-il un remake du décret-loi 113 ? La question mérite d’autant plus d’être posée maintenant que quatre ans – et un peu plus – ont passé depuis la promulgation de ce décret-loi ?
On peut craindre que le texte soit un peu plus « soft » maintenant que le Tribunal administratif a somme toute averti tout le monde. Et que des voix se sont élevées pour dire que le décret-loi comporte bien des défaillances
Et que les faits ont montré que les biens confisqués ne sont pas « aussi » spoliés que ça. Des personnes qui ont fait l’objet de confiscation ont obtenu gain de cause devant les tribunaux qui ont ordonné de leur rendre leurs biens.
Suremplois et mauvaise gestion ?
Quid, encore, de la gestion des biens spoliés eux-mêmes ? Certains de ces biens n’ont pas aujourd’hui la valeur qu’ils avaient, en mars 2011, lors de la promulgation du décret- loi 113 . Dégradation d’équipements et de matériels, perte de clientèle, suremplois et mauvaise gestion: le quotidien de certains bien spoliés ne serait plus ce qu’il était.
Faut-il craindre que des pressions soient exercées aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur afin que le nouvel arsenal juridique relatif à la question des biens spoliés prenne une forme bien particulière ?
On sait que de grands intérêts sont au centre de ce dossier épineux. Ils ne manqueront pas de se manifester. A commencer par l’application d’une justice transitionnelle qui a mis du temps à se mettre place. Et qui n’a pas dit son tout dernier mot.