Quatre ans après la révolution, la Tunisie fait face à plusieurs défis d’ordre politique, économique, social… La question des défis de la démocratie est importante, notamment en termes de relance économique, femmes, citoyenneté et des migrants. Elle a fait hier l’objet d’une table ronde organisée à Tunis par le magazine français le Nouvel Obs.
A l’ouverture des travaux, deux panels ont été discutés : le premier sur « La relance économiques, quelle réforme et quelle solution ». Le deuxième panel sur « Le chemin vers la démocratie et la relation Europe-Maghreb ». Une participation active des deux côtés tunisien et français, en présence d’un grand nombre de ministres.
Eneko Landaburu, conseiller spécial auprès du président de l’Institut Jacques Delors, a affirmé que la relation entre le Maghreb et l’Europe est une nécessité pour des raisons politiques, économiques et sociales.
“Il est évident que le Maghreb doit se faire pour donner à ces pays qu’ils composent une perspective de croissance et de modernité dont ils ont besoin. L’Europe a besoin du Maghreb. Nous devons continuer à faire des efforts, initier cette réalité et que j’espère dans la politique du voisinage qui est en train d’entreprendre l’Union européenne. Il y aura des propositions pour relancer le processus et encourager les partenaires” , a-t-il dit.
Lors de ce débat, le projet d’Erasmus a été cité comme exemple : “ Il y a déjà les échanges d’étudiants. Il faut développer cette idée. C’est la seule formation conjointe entre jeunes dans un esprit de tolérance, d’égalité que nous ferons demain une meilleure relation. Il faut investir dans l éducation afin d’améliorer la compétence des jeunes”, a-t-il indiqué.
La relance économique était aussi au coeur du débat. Slim Chaker, ministre des Finances, a affirmé que pour la tranche d’âge 15-64 ans chaque année, il y a 120 mille nouvelles personnes qui intègrent le marché du travail. D’ici cinq ans, en 2020, il n’ y aura que 45 mille citoyens, mentionnant qu’un point de PIB représente 15 mille emplois.
Il a également ajouté que pour réaliser une croissance entre 5 à 6 %, il faudrait créer entre 75 et 90 mille emplois, ce qui aidera à résorber le nombre de chômeurs. “La réponse à la main-d’oeuvre additionnelle qui va venir, deux solutions possibles : soit on augmente le taux d’activité de la femme qui est actuellement de 25% par rapport à l’homme dont le taux d’occupation est de 60%. Soit on ouvre nos frontières. Dans le cas contraire on ne pourra pas faire face à la demande car il n’ y aura pas de croissance”, a-t-il dit.
Pour réduire les disparités régionales, la décentralisation serait-elle la solution ? A cette question, Slim Chaker a déclaré qu’ il faudrait aussi savoir la façon dont elle sera accompagnée. “C’est un processus qui doit démarrer immédiatement qui va prendre du temps. L’essentiel c’est qu’il démarre. C’est un signal positif. Cela va renfocer la capacité des jeunes dans les régions de décider de leur propre sort et de prendre en main le développement de leur région. C’est un peu l’objectif que nous visons”, a-t-il commenté.
Intervenant sur le panel » le chemin vers la démocratie » le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale Yassine Brahim a déclaré : « Durant ces quatre dernières années, l’Europe a accompagné notre transition démocratique par des crédits ponctuels, des dons mais depuis 2011, l’instabilité politique qui régnait chez nous empêchait l’Europe d’avoir une vision claire quant à nos réels besoins. A présent que nous avons achevé notre transition politique, nous nous devons de soumettre à nos interlocuteurs européens un plan de relance stratégique précis de notre économie en y exprimants clairement nos besoins sur le court et le long terme. »
Par ailleurs, Eric Woerth, ministre français du Budget entre 2007 et 2010, a fait savoir que le marché du travail augmente indirectement le chômage. Il cite le cas de la France : “Nous avons besoin de recréer un marché économique et de développer la croissance avec moins de dépenses publiques, moins de fiscalité et plus d’innovation”, a-t-il souligné. Et de poursuivre : « En Tunisie, la solution consiste aussi à créer des règles sur ce marché car c’est là la clé de la réussite tunisienne et française ».
Sur le plan économique, M. Woerth a affirmé qu' »il faut s’orienter vers l’économie de marché pour essayer d’améliorer la productivité , générer plus d’investissements et ainsi améliorer le pouvoir d’achat »
Et d’ajouter qu' »Il n’y a pas de solution magique, mais il faut essayer d’expliquer que les réformes permettront de mieux vivre et que ce ne sont pas uniquement des réformes pour compliquer la vie des gens. Quand il y a trop de chômage, cela veut dire que le système ne fonctionne pas, il y a 7 millions de chômeurs en France, quand on ne peut pas créer de l’emploi, cela veut dire que ceci ne va pas. Il faut transformer les choses, essayer de donner l’avenir à nos pays.”
S’agissant des relations tuniso-française, l’ex-ministre français a indiqué qu’elles sont très fortes grâce aux liens d’amitié entre les deux pays.
Enfin, il a conclu: “ Avec 11 millions d’habitants, on peut être beaucoup plus efficace. Vous avez assuré une véritable transition démocratique. C’est aux tunisiens de tirer profit de la transition économique avec l’aide de la France, et puis de l’Europe. La Tunisie est dotée d’ une formidable position stratégique , une population éduquée et qualifiée, un site d’investisstissement attractif… ».