Selon le dernier rapport de la Banque mondiale ( BM ) intitulé « Political Connections and Tariff Evasion: Evidence from Tunisia », les entreprises qui entretenaient des relations privilégiées avec le régime de Ben Ali, ont pu éviter de payer, en déclarant des valeurs inférieures, 1,2 milliard de dollars en droits à l’importation entre 2002 et 2009.
Ce rapport a fait ressortir que la valeur déclarée à l’importation par ces entreprises est supérieure de 18 % à celle déclarée par les autres entreprises.
De même, les volumes d’importation déclarés ont enregistré une hausse de 21 %, tandis que le prix unitaire déclaré a baissé de 4,8 % en moyenne.
Quant aux biens importés assujettis à des droits plus élevés, le prix déclaré a été plus faible, soit 8,1 %. Cette pratique de la déclaration frauduleuse a permis aux entreprises proches du pouvoir de cumuler un montant total de 217 millions de dollars en fraude fiscale pour la seule année 2009.
Selon la BM, ce rapport a mis à nu les pertes économiques causées par le non-paiement des droits à l’importation durant les dix dernières années, une situation qui a fait perdre à l’État des milliards de dollars.
« Avec l’appui de la BM, le ministère des Finances prépare un ensemble de mesures de réforme de la douane, pour simplifier les procédures et les rendre plus transparentes. Cela permettra de stimuler les exportations et de limiter les possibilités de fraude à l’importation ».
En plus des pertes budgétaires qu’elle provoque, cette pratique de la fraude à l’importation par les entreprises protégées mine la concurrence et crée une situation qui ne donne pas à tous les mêmes chances. Elle leur accorde, au détriment des autres entreprises, un avantage non mérité, qui n’est ni basé sur une productivité plus élevée ni sur une plus grande efficacité. Elle a contribué également à créer des inégalités en permettant à une élite plus riche et proche des milieux politiques d’amasser des profits plus élevés, en payant des droits plus faibles à l’importation.
D’ailleurs, les pertes budgétaires sont, selon la même source, basées sur les montants inférieurs déclarés et ne prennent pas en compte d’autres formes de fraude fiscale, telles que la déclaration frauduleuse des volumes importés ou la contrebande par laquelle passent les entreprises pour échapper totalement à la douane.
« La révolution a entraîné une baisse de la déclaration de prix inférieurs par les entreprises protégées, mais s’est accompagnée d’une augmentation de la fraude à l’importation par les autres entreprises et d’une intensification du commerce informel ».
En conclusion, ce rapport a dévoilé un recul de 16,2 % du non-paiement des droits à l’importation après la révolution, notamment pour les lignes de produits dominées par les entreprises proches du pouvoir, ainsi qu’une augmentation de la fraude à l’importation de 5,7 % dans les autres lignes de produits.