Invité sur le plateau d’une émission politico-économique diffusée samedi 1er août 2015, par une radio tunisienne, l’économiste Radhi Meddeb est revenu sur la situation économique du pays et notamment celle du secteur du tourisme.
Selon lui, pour relancer la croissance, l’économie tunisienne aurait besoin d’un électrochoc: « Qu’apporte la LFC 2015, actuellement débattue à l’ARP ? Je ne vois pas de choix politiques clairs dans la LFC » , a-t-il rétorqué.
« Une loi de finances est un instrument politique qui propose, face aux députés de la nation, des choix politiques clairs. Je n’en vois pas dans la LFC », a-t-il ajouté.
« Mais, à part cela, cette LFC 2015 demeure un instrument utile puisqu’elle intègre un certain nombre de dispositions extrêmement importantes comme le renforcement du budget en faveur des forces sécuritaires et l’armée pour favoriser la lutte contre le terrorisme », a-t-il apprécié. « C’est un effort national que nous nous devions de faire et qui a été intégré dans cette LFC.»
Par ailleurs, l’expert en économie s’est dit réjoui que cette loi ait intégré un certain nombre de mesures pour relancer l’économie : «Ce sont des mesures de deux sortes en faveur d’abord des entreprises en difficulté pour permettre leur maintien en activité et pour les soutenir dans la conjoncture difficile actuelle. Et d’autre part, une autre série de mesures en faveur du secteur touristique qui a été le plus lourdement frappé par les deux drames consécutifs du Bardo et de Sousse.»
Il a ajouté que la LFC 2015 contient, en définitive, de bonnes orientations et mesures en faveur des entreprises, mais il a critiqué l’insuffisance des montants alloués : « L’orientation est bonne mais les montants qui ont été intégrés dans la LFC sont homéopathiques. Face à la situation actuelle, le malade c’est-à-dire l’économie nationale, a besoin d’un traitement de cheval, et le médecin ne doit pas préconiser des capsules homéopathiques. On est dans la disproportion la plus totale. », a-t-il fait remarquer.
Revenant sur le secteur du tourisme tunisien, Radhi Meddeb a fait observer que les mesures prises et qui ont été intégrées dans la LFC ne font pas le distingo entre les bonnes et les mauvaises entreprises du secteur.
«Nous savons tous que, bien avant la Révolution, le secteur était le grand malade et avait besoin de réformes et de restructuration profondes : dans sa gouvernance, dans sa gestion, dans son endettement, dans son positionnement stratégique. Il avait donc besoin de grandes réformes. »
Et de poursuivre : «Nous avons des opérateurs de qualité dans le secteur, ils ne sont pas nombreux dans le domaine et ils tirent leur épingle du jeu à l’échelle internationale. Les mettre dans le même sac que toutes les entreprises en difficulté du secteur c’est leur faire du tort, et c’est se condamner à ne pas apporter le soutien à qui en a vraiment besoin « .
Selon les déductions de l’économiste, les mesures ne sont donc pas suffisamment ciblées ou précises : «Elles sont diluées et nécessairement elles perdront de leur efficacité.»
D’après Meddeb, il faudrait élaguer à partir d’une étude ou d’audits qui répertorient les entreprises qui pourraient être sauvées et celles qui sont désespérément condamnées à fermer même si on renfloue leur caisse . Il ajoute : «Des diagnostics dans le secteur du tourisme, il y en a eu au point de ne plus savoir quoi en faire. Et je ne sais pas si tous les ministres qui se sont succédé ont pris le temps de les lire. Deux études en particulier méritent une mention spéciale comme celle de la Banque Mondiale ou celle de l’Agence japonaise de développement (JK). »
Et de poursuivre : «La dernière étude est une étude stratégique qui avait été menée entre 2009-2010 par un consortium allemand, Roland Berger Strategy Consultants , qui a identifié un plan de développement sur cinq ans (2016). Bientôt 2016 et rien n’a été fait sur ce plan. Toutes ces études disaient clairement que nous disposons d’un parc de 870 hôtels dans le pays, dont en gros le tiers ne peut plus continuer tel quel. Ce qui veut dire que les 2/3 restants sont bien capables de se redresser, et qui sont soit en bonne posture, soit ayant le potentiel de se repositionner stratégiquement de manière viable.»
Pour le tiers restant, Radhi Meddeb a suggéré de le réorienter ou le vendre. Ce tiers plombe le secteur bancaire et dans le secteur bancaire il plombe essentiellement la STB qui a hérité par le passé deux autres établissements bancaires qui finançaient le tourisme, à savoir la Banque nationale du développement du tourisme et la Banque nationale du développement économique de Tunisie. Ces deux banques croulaient déjà sous les dettes depuis très longtemps. Comme on ne savait plus quoi en faire, on les a fusionnées avec la STB en vertu de la logique qui dit que le plus gros attirerait les plus petits vers le haut. Mais, hélas, dans la réalité c’est l’inverse qui s’est produit : les deux plus petites ont plombé le plus gros en le tirant vers le bas.»
Et pour conclure, l’expert a fait un court état des lieux des banques publiques : «Aujourd’hui, on travaille sur la restructuration du secteur bancaire public et notamment la STB, mais la LFC n’a pas tenu compte des effets que la crise de Sousse et du Bardo vont nécessairement avoir sur la STB parce que ces deux drames vont plomber les entreprises touristiques globalement, et vont les empêcher de rembourser leurs dettes et donc elles vont à leur tour plomber à nouveau la STB et approfondir les déficits de la banque et ses besoins de recapitalisation et la LFC n’a pas tenu compte de cela. »