Personne ne peut plus l’ignorer, la situation est pire que ce qu’on a imaginé. A l’occasion de la présentation de la Loi de finance complémentaires ( LFC 2015), le ministre des Finances a annoncé que le gouvernement a décidé de réviser à la baisse le taux de croissance à 1% prévu initialement à 3 % (ce dernier chiffre a été présenté sous legouvernement Jomaâ). Il s’agit de la deuxième révision à la baisse de la croissance économique : au cours du premier trimestre de l’année en cours, la croissance a atteint 1,7%, en glissement annuel, contre 2,3% le trimestre précédent et 2,4% durant la même période une année auparavant. Le nouveau taux de croissance oscillera d’ici la fin de l’année en cours, selon le ministre des Finances, entre 1 et 0.5%.
Ainsi, l’économie tunisienne dispose de moins en moins de marge pour s’améliorer. Selon nos sources, les dernières simulations de prévision de croissance faites, si la situation évolue normalement et qu’aucun coup dur, tel que les attaques de Bardo et de Sousse, ne survienne, montrent que le taux de croissance est actuellement à 0.8%.
La révision à la baisse du taux de croissance montre que, par exemple, le chiffre de 3% n’a pas été atteint en se basant sur la réalité de l’économie tunisienne. « De 3% à 1%, ce sont deux points de croissance ! C’est aussi environ 40 000 postes d’emploi à risque. C’est aussi 461 millions de dinars de recettes en moins au niveau du budget de l’Etat », a déclaré Slim Cheker, ministre des Finances, dans une interview exclusive accordée à l’Economiste Maghrébin.
Les chiffres sont alarmants. Plusieurs indicateurs confirment la tendance à la baisse du taux de croissance de l’économie tunisienne. Selon les derniers chiffres officiels du commerce extérieur, les exportations sous le régime offshore qui représentent environ 66,4% du total des exportations des biens, ont enregistré un ralentissement. Rien que pour le mois de juin 2015, la production industrielle a connu un repli des importations des biens (-7,4% en glissement annuel contre 4,8% durant le même mois de 2014).
Les exportations des industries du textile, habillement, cuir et chaussures ont connu également une baisse (-7,1% contre 1,1%) alors que les exportations des industries mécaniques et électriques ont enregistré un ralentissement de leur rythme de progression (5,6% contre 7%).
Selon la Banque centrale de Tunisie (BCT), les principaux indicateurs d’activité du secteur touristique ont poursuivi, en juin 2015, leur évolution baissière. Ceci a concerné, notamment, les nuitées touristiques globales (-35,6% et -44,9% en comparaison du même mois de 2014 et de 2010, respectivement), les entrées de touristes étrangers (-36,7% et -38,4%) et les recettes en devises (-23,6% et -20,3)
Le transport aérien a connu durant le même mois un repli du trafic aérien de passagers (-32,1% en glissement annuel contre -0,7% une année auparavant).
Au cours du premier semestre de 2015, le dinar s’est déprécié de 4,1% vis- à- vis du dollar et de 1,4% contre le yen japonais, alors qu’il s’est apprécié de 3,9% face à l’euro et au dirham marocain. Il est à noter que le dinar a connu une tendance baissière vis-à-vis de l’euro au cours du deuxième trimestre de 2015 après la hausse notable qu’il a connue au début de l’année.
Les concours à l’économie ont progressé à un rythme moins rapide que l’année précédente, soit 3,2% au cours du premier semestre de 2015 contre 5% un an plus tôt, en relation avec la poursuite de la baisse des crédits à court terme et la décélération des crédits à moyen et long termes.
La baisse de la croissance aura, certes, des retombées sociales. Elle va plutôt peser sur la classe moyenne. Les prévisions de croissance ont peut-être poussé le gouvernement à agir sur le levier social et orienté sa boussole vers les classes moyenne et défavorisée.
Le gouvernement s’est montré soucieux de justice sociale pour faire face à la récession à travers la mise en place d’un plan de relance à très court terme, un argument qui n’a pas convainvu certains experts.
Dans une déclaration accordée à leconomistemaghrébin.com, Ezzeddine Saïdane a indiqué que la Loi de finances complémentaire « ne contient aucune mesure pour prévenir cela et éviter la récession. Cette Loi de finances n’apportera rien à l’exception de quelques ajustements et un peu de cosmétique ».
Il faut dire que la rentrée économique, qui coïncide comme chaque avec la rentrée scolaire, sera certes difficile et compliquée.